Bouteflika n'aura donc pas besoin ni du gouvernement ni du Parlement pour rendre sa décision effective et lever l'état d'urgence. Les députés qui ont initié l'introduction d'un projet pour la levée de l'état d'urgence ne connaissent pas la loi. Cette décision appartient au président de la République seul, qui doit signer un décret présidentiel.» C'est un magistrat, spécialiste en droit constitutionnel, qui nous livre cet éclairage en s'appuyant sur la Constitution. La loi suprême de l'Algérie stipule en effet dans son article 91, alinéa 1 : «En cas de nécessité impérieuse, le Haut conseil de sécurité réuni, le président de l'Assemblée populaire nationale, le président du Conseil de la nation, le Premier ministre et le président du Conseil constitutionnel consultés, le président de la République décrète l'état d'urgence ou l'état de siège pour une durée déterminée et prend toutes les mesures au rétablissement de la situation.» Bouteflika n'aura pas besoin donc ni du gouvernement ni du Parlement pour rendre sa décision effective et lever l'état d'urgence. Il n'aura surtout pas besoin d'eux pour mettre fin à une situation d'illégalité qui a duré 19 ans. Depuis 1996 et le vote de la réforme constitutionnelle, l'état d'urgence est devenu caduque. Dans son alinéa 2, l'article 91 stipule encore que «la durée de l'état d'urgence ou de l'état de siège ne peut être prorogée qu'après approbation du Parlement siégeant en chambre réunies». Or, l'instauration de l'état d'urgence par décret présidentiel du 9 février 1992, signé par feu Mohamed Boudiaf pour une durée de 12 mois, prorogé par décret législatif n° 93/2 du 6 février 1993, n'a jamais été à l'ordre du jour ni à l'APN ni au Conseil de la nation à ce jour. Une violation de taille de la Constitution. Pis, l'article 92 de la Constitution précise aussi que «l'organisation de l'état d'urgence et de l'état de siège est fixée par une loi organique». Or, depuis 1996, les gouvernements successifs ont ignoré avec légèreté cette disposition qui même si l'état d'urgence est levé dans les prochains jours, oblige le gouvernement en fonction d'élaborer et présenter au vote. Bouteflika a chargé le gouvernement «à s'atteler sans délai à l'élaboration de textes appropriés qui permettront à l'Etat de poursuivre la lutte antiterroriste jusqu'à son aboutissement, avec la même efficacité et toujours dans le cadre de la loi», lit-on dans le communiqué du Conseil du gouvernement tel que rapporté par l'APS. Lutte antiterroriste Là aussi, les juristes ne s'expliquent pas les besoins d'une telle mission. Pourquoi ? «Le dispositif existe préalablement à la mise en place de l'état d'urgence et Bouteflika n'a pas besoin de charger le gouvernement de confectionner un autre dispositif», affirme encore notre interlocuteur. Il s'agit du décret présidentiel n° 488 du 21 décembre 1991 (JO n° 66) qui donne le droit au chef du gouvernement de demander à l'ANP d'accomplir des missions de l'ordre public. Ce dispositif, décidé après l'attaque terroriste ayant ciblée la caserne de Guemar et qualifié d'efficace dans la lutte antiterroriste, a été utilisé par Sid Ahmed Ghozali, à l'époque chef du gouvernement, après la démission de Chadli Bendjedid en janvier 1992 et l'interruption du processus électoral. Le décret étant toujours en vigueur, le gouvernement n'a qu'à s'y référer pour assurer une couverture juridique pour la poursuite des missions de lutte contre le terrorisme.