Les arguments, nombreux jusque-là, avancés par les responsables politiques pour justifier le maintien de l'état d'urgence ne tiennent pas la route pour leur majorité. Il n'y a qu'à se pencher sur les exemples de plusieurs pays européens pour s'en convaincre. Malgré qu'elles soient confrontées depuis de longues années à la violence politique ou au terrorisme, les autorités britanniques, espagnoles, françaises ou italiennes ne se sont cependant pas empressées d'imposer à leurs sociétés de vivre sous état d'urgence. Cette décision reste valable bien que l'IRA ou encore l'ETA n'ont pas cessé, à ce jour, de faire des victimes parmi les populations civiles autant en Irlande qu'en Espagne. Au contraire, les autorités de ces pays, même si elles se sont donné les moyens au plan législatif pour combattre ce qu'elles qualifient de «terrorisme», n'ont managé aucun effort pour consolider la nature démocratique de leur système politique et de défendre les libertés collectives et individuelles. C'est le cas particulièrement de la France où la lutte contre le terrorisme ne s'est, à aucun moment, accompagnée, contrairement à l'Algérie ou à d'autres pays arabes touchés par le même problème, d'une restriction des libertés fondamentales ou de l'instauration de régimes autoritaires. Considérés comme une cible privilégiée du terrorisme international, les Etats-Unis peuvent également être cités comme un pays qui est parvenu à établir un équilibre entre la lutte antiterroriste et la défense des libertés. Quoique pour le cas américain, les organisations de défense des droits de l'homme restent encore critiques concernant les trop grandes largesses concédées par l'Administration de George W. Bush au FBI et aux nombreuses autres agences de renseignement et craignent que les dispositions contenues dans le Patriot Act I et le Patriot Act II, les deux lois antiterroristes américaines, ne servent d'alibi pour mettre toute la société américaine sous surveillance. L'exemple américain en particulier doit justement amener la classe politique et la société civile nationales à être très vigilantes par rapport aux dispositions qui seront contenues dans le nouveau cadre juridique qui doit venir en remplacement au texte de loi régissant l'état d'urgence – que le chef de l'Etat a promis de lever «dans un très proche avenir» – et veiller à ce que le tout ne grignote pas ce qui reste des espaces de liberté. Car si l'on ne prend pas garde, il peut arriver – comme cela se produit d'ailleurs souvent dans les pays en développement – qu'une situation d'état d'urgence en cache une autre et que des promesses d'ouverture se transforment en cauchemar.