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«L'annonce de nouveaux textes pour lutter contre le terrorisme est inquiétante»
Mouloud Boumghar. Professeur de droit public. A participé aux travaux de la Coordination nationale pour la démocratie et le changement
Publié dans El Watan le 18 - 02 - 2011

Les mouvements de protestation à travers le pays, s'ils n'expriment pas nécessairement un rejet clair du régime en place, sont la preuve de sa faillite sociale et politique.
Un vent de contestation traverse le monde arabe depuis quelques semaines. Les régimes dictatoriaux arabes tremblent depuis la fuite piteuse de Ben Ali tandis que la situation actuelle de Hosni Moubarak fait craindre à ses ex-homologues de la région d'être sacrifiés par leur armée pour calmer la colère populaire. L'admirable mobilisation populaire tunisienne a fait comprendre aux Algériennes et aux Algériens que le changement de régime est possible. Notre pays n'a évidemment pas découvert la contestation en janvier 2011. Mais force est de constater que si Octobre 1988 a permis une relative ouverture, il n'a pas mis à bas le régime en place depuis 1962. Autoritaire, manipulateur, corrompu et corrupteur, il a su se renouveler à la faveur des macabres années 1990 avant de construire une apparence de stabilité à coups de pétrodollars au cours des années 2000. Marquées par l'abondance des pétrodollars, la généralisation de la corruption, l'incohérence des «politiques publiques» et les émeutes à répétition contre la mal-vie, les années 2000 sont également celles des tirs à balles réelles par les forces de sécurité contre les manifestants en Kabylie et la charte dite pour la paix et la réconciliation nationale qui prône l'oubli et consacre l'impunité.
Les situations tunisienne et égyptienne sont différentes de celle de l'Algérie. Il n'existe pas, en effet, dans notre pays un centre unique de décision politique à l'intérieur du régime tandis que la contestation y est permanente, mais reste éparpillée. Pour autant, les exemples tunisien et égyptien sont dans tous les esprits.
Faillite sociale et politique
C'est dans ce contexte que la manifestation pacifique du 12 février, à Alger et à Oran principalement, à laquelle a appelé la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) dans son ensemble a été appréciée différemment par les acteurs et observateurs de la scène politique. La CNCD y a vu un succès. A l'inverse, le régime en place, à travers ses organes de propagande, que sont la Télévision et la Radio nationales et ses supplétifs comme la responsable du Parti des travailleurs, l'a présentée comme un échec. Succès ou échec, les manifestations pacifiques du 12 février, à Alger, à Oran et ailleurs, ont montré que le pouvoir a peur de tout mouvement politique organisé, déterminé à s'exprimer pacifiquement dans les rues de la capitale ou d'autres villes algériennes.
La mobilisation de plus de 25 000 policiers dans la capitale, les centaines d'interpellations, accompagnées parfois d'une grande brutalité sur place et dans certains commissariats, ainsi que l'opération de propagande du pouvoir qui a précédé et suivi l'action du 12 février, en témoignent. Tout cela s'inscrit par ailleurs dans un contexte marqué par des manoeuvres du régime. L'annonce récente de la levée de l'état d'urgence «dans un avenir proche» faite à l'issue du Conseil des ministres du 3 février en est une. Destinée à couper l'herbe sous le pied de la Coordination et à masquer sa revendication essentielle, le changement de régime et la démocratie, elle n'a pas empêché la mobilisation de plusieurs milliers de manifestants.
Elle ne parvient pas non plus à masquer le fait que les mouvements de protestation sont nombreux et récurrents à travers le pays et que s'ils n'expriment pas nécessairement un rejet clair du régime en place, ils sont la preuve de sa faillite sociale et politique. Personne n'est dupe et personne n'a jamais cru que la levée de l'état d'urgence – qui reste à l'état d'annonce - suffirait à elle seule à faire de notre pays un Etat de droit démocratique qui respecte effectivement et sans réserve les droits de l'homme et qui assure une redistribution juste des richesses.
Fouler aux pieds les libertés publiques
A cet égard, il est utile de s'intéresser aux annonces qui accompagnent celle de la levée de l'état d'urgence. Le pouvoir tente de faire croire que l'état d'urgence a été maintenu légalement ces dernières années et dans le seul but d'assurer la coordination des services de sécurité dans la lutte antiterroriste. Parallèlement, le chef de l'Etat a chargé le gouvernement d'élaborer les «textes appropriés, qui permettront à l'Etat de poursuivre la lutte antiterroriste jusqu'à son aboutissement, avec la même efficacité et toujours (sic) dans le cadre de la loi». Enfin, le pouvoir maintient l'interdiction générale des marches dans la wilaya d'Alger. En agissant de la sorte, le régime continue de fouler aux pieds les libertés publiques et de s'inscrire dans l'illégalité. Mais est-ce vraiment étonnant de la part d'un pouvoir illégitime ? Peut-on s'attendre de la part d'un pouvoir autoritaire qui ne peut se prévaloir ni de la légitimité des urnes ni de celle de la guerre de libération et encore moins d'une indulgence populaire que lui aurait donnée une politique socioéconomique efficace, de respecter la légalité ? Il ne le peut pas, car ce serait contraire à sa nature.
Un droit fondamental vidé de sa substance
Contrairement à ce qui est soutenu dans le communiqué du Conseil des ministres du 3 février, l'état d'urgence est maintenu en violation flagrante de la Constitution. On ne peut affirmer le contraire qu'au prix d'une analyse juridique biaisée et d'un mensonge politique. Tant l'article 91 de l'actuelle Constitution de 1996 que l'article 87 de la Constitution de 1989 – qui était en vigueur en 1992 – prévoient que l'état d'urgence ne peut être proclamé que pour une durée déterminée et que sa prorogation au-delà de cette durée doit être soumise à l'approbation du Parlement. Or, le décret du 9 février 1992 a instauré l'état d'urgence pour une durée de 12 mois et sa prorogation n'a jamais été approuvée par le Parlement ni même fait l'objet d'un véritable débat public au cours des 18 dernières années. Quant à l'interdiction générale des marches dans la wilaya d'Alger, elle ne peut se prévaloir d'aucun fondement solide juridiquement, état d'urgence ou non. Faut-il rappeler que l'article 41 de la Constitution dispose que les libertés d'expression et de réunion sont garanties ? Le pouvoir exécutif n'est pas compétent pour poser une telle interdiction qui vide de sa substance un droit fondamental. Même dans l'hypothèse où l'état d'urgence aurait été maintenu dans le respect de la Constitution, le décret du 9 février 1992 ne contient aucune disposition qui permettrait de donner une base juridique à l'interdiction générale des marches à Alger ou dans une quelconque portion du territoire national.
Annonce inquiétante
La seule base de cette interdiction est l'arbitraire du pouvoir et sa capacité à user de la répression policière pour l'imposer. A cet égard, le pouvoir agit encore une fois contre la Constitution dont il se prévaut. La Constitution de 1996 consacre en effet le droit de défendre individuellement et collectivement les libertés individuelles et collectives et c'est ce qu'ont fait les manifestants du 12 février. Ils ont tout simplement exercé leurs libertés de réunion pacifique et d'expression, par ailleurs «garanties» par la loi fondamentale. En interdisant cette manifestation puis en la réprimant, c'est le pouvoir qui s'est placé dans l'illégalité. Et l'«invitation» faite aux Algériens de ne se réunir que dans des endroits clos est inacceptable. De quelle logique le régime peut-il se prévaloir pour interdire aux Algériens de s'exprimer dans l'espace public algérois ? L'argument sécuritaire invoqué par le régime ne tient pas la route. Les autorités ont l'obligation d'assurer la sécurité des manifestants qui ne font qu'exercer pacifiquement leur liberté de réunion. Mais il est vrai que c'est trop attendre d'un régime qui n'a pas hésité à faire matraquer par la police à Alger les mères de disparus durant le Ramadhan dernier.
Aucun parti «agréé» depuis plus de dix ans
Enfin, l'annonce, qui accompagne la perspective de la levée de l'état d'urgence, de la préparation de nouveaux textes pour lutter contre le terrorisme, laisse présager de l'adoption de nouveaux textes répressifs. Cette annonce est inquiétante. L'arsenal législatif algérien est malade d'un trop-plein de lois, de pratique répressives et de dispositions d'exceptions passées dans le droit commun. Faut-il rappeler que de nombreuses associations n'ont jamais vu la couleur du récépissé du dépôt de dossier de déclaration de constitution d'association, ce qui les empêche d'avoir des activités normales ? Faut-il rappeler qu'aucun parti politique n'a été «agréé» depuis plus de dix ans ?
Ces pratiques n'ont rien à voir avec l'état d'urgence ni avec la lutte antiterroriste. Elles sont consubstantielles à un régime autoritaire. Qui et qu'est-ce qui peut garantir qu'elles cesseront une fois l'état d'urgence levé? Il est certain que ce n'est pas ce régime autoritaire et illégitime qui peut le garantir à long terme. Des représentants élus sans fraude pourront-ils effectivement contrôler le budget de l'Etat et savoir à qui profite les pétrodollars ? L'Etat engagera-t-il des procédures pour récupérer les avoirs publics détournés ? Assurera-t-il un logement convenable à tous ? Même les plus crédules des Algériens savent que ce régime ne le fera pas et ne le fera jamais. Seules de nouvelles institutions civiles bénéficiant de la légitimité des urnes et respectueuses des droits de l'homme pourront accomplir ces tâches difficiles.
Vérité et justice
La lutte antiterroriste ne peut et ne doit en aucun cas justifier de nouveaux textes juridiques répressifs. En effet, une fois l'état d'urgence levé, l'article 87 bis du code pénal qui définit le crime de terrorisme de manière «peu spécifique», pour reprendre l'euphémisme du Comité de l'ONU contre la torture, sera toujours en vigueur ; et la justice n'offrira toujours pas à tous les justiciables les garanties d'un procès équitable. Nul ne conteste la nécessite de lutter contre le terrorisme, mais cette lutte doit se faire dans le respect des droits de l'homme. Elle doit également être efficace. Mais comment peut-elle l'être à long terme quand de nombreux terroristes «repentis» sont libres, alors qu'ils sont fortement soupçonnés d'avoir commis des crimes pour lesquels la loi ne prévoit ni extinction des poursuites, ni grâce, ni remise ou commutation de peine. Quant aux familles de disparus, elles réclament encore et toujours la vérité et la justice que leur dénie la Charte dite pour la paix et la réconciliation nationale de 2005. Ainsi, la plupart des crimes commis dans les années 1990 restent impunis, que leurs auteurs soient des islamistes armés ou des membres des forces de sécurité.
Aujourd'hui, l'heure est à la mobilisation populaire pour enclencher la dynamique du changement pacifique et la marche vers la démocratie. Des jeunes, des syndicalistes, des militants associatifs et de partis d'horizons divers y travaillent. Cette action est indispensable et a besoin de l'énergie de tous ceux qui aspirent à un changement de régime. L'action ne doit cependant faire perdre de vue ni la nécessité de la réflexion préalable à l'action ni les problèmes saillants.
S'enfoncer dans une fuite en avant
Quelle que soit l'issue des mouvements qui prennent forme depuis quelque temps, notre société devra faire face aux questions de vérité et justice et y répondre pour les victimes des années 1990, mais aussi pour celles de 2001. La Coalition d'associations de victimes du terrorisme et de familles de disparus y travaillent depuis plusieurs années et a engagé une réflexion sérieuse accompagnée de propositions solides. De la même façon, notre société devra affronter les questions sociale et culturelle ainsi que celle de l'égalité entre les hommes et les femmes qui sont déjà posées. Un pouvoir politique civil doté de la légitimité populaire sera assez solide pour ouvrir et mener à bon terme un débat pluraliste sur ces sujets. Le régime actuel ne le peut pas si tant est qu'il ait jamais eu la volonté de régler les problèmes de la société algérienne.
Aujourd'hui, deux voies s'offrent à lui. Il peut contribuer à organiser, dans l'intérêt de la nation et dans le sien, une transition pacifique, rapide et ordonnée vers une République démocratique et sociale dans laquelle l'armée ne serait ni sur le devant de la scène politique ni dans ses coulisses et se consacrerait à sa mission de défense du territoire national. Dans ce cas, les Algériennes et les Algériens se souviendront que les tenants du pouvoir ont su partir dans l'honneur. Il peut également, malgré le regard extérieur, s'enfoncer dans une fuite en avant en recourant à la répression et à la violence. Dans ce cas, il aura ajouté le déshonneur à la faillite morale et politique à laquelle il a mené le pays. Il ne fait pas de doute que, là aussi, les Algériennes et les Algériens s'en souviendront.


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