La question fondamentale, du droit et de la loi en matière de reconnaissance, de garantie et de protection de l'égalité des droits des femmes dans la vie publique, sociale et familiale s'impose à l'heure où les sociétés arabes aspirent à l'instauration de régimes démocratiques fondés sur l'Etat de droit. Sinon quelle valeur cet Etat de droit, cette démocratie tant espérée pourraient-ils alors recouvrer ? Quels rapports entre la démocratie et la condition des femmes dans le monde arabe ? Quels rapports entre les statuts juridiques et les réalités sociales de la condition des femmes, sachant que les transformations dans le monde arabe, comme ailleurs, ne sont pas observables à la seule aune du droit ?
L'inscription de la laïcité dans la loi fondamentale, la Constitution, garante du respect des droits de l'homme et par conséquent de l'égalité des citoyens sans distinction de sexe, de race ou de religion, est une exigence clairement exprimée en Tunisie, tandis qu'en Algérie et en Egypte, elle fait son chemin. C'est en ce sens que des lois civiles sont revendiquées en lieu et place des codes de la famille ou de statut personnel. En Algérie, d'aucuns, et en premier lieu les dirigeants algériens, nous rétorqueront que la femme a le droit de vote, le droit d'être élue, le droit à l'éducation, au travail. Mais quand bien même, cela ne veut pas dire pour autant qu'elle jouit pleinement de ses droits, de tous ses droits. Quel que soit son niveau d'instruction, de formation, de qualification, de responsabilité, l'Algérienne est placée, du fait du code de la famille, en état d'infériorité. Quelles que soient les responsabilités publiques qu'elle peut assumer, aussi hautes soient-elles, dans sa famille, dans son couple, elle reste subordonnée à son époux. Quel paradoxe ! Et cela au nom des «spécificités» qui, en réalité, font le lit de l'inégalité et de l'injustice. Aussi bien les Tunisiennes que les Algériennes demandent la levée des réserves sur le statut de la femme dans la famille dans l'application de la Convention internationale sur l'élimination de la discrimination que la Tunisie et l'Algérie ont ratifiée. Les violences faites aux femmes sont aussi un sujet majeur de préoccupation. Quelle protection juridique contre ces violences ? Quelle protection juridique pour la femme sans parenté masculine, la veuve, la divorcée ou simplement celle qui veut vivre sans tutelle ? Qu'on se souvienne de ce 13 juillet 2001, à Hassi Messaoud, où des femmes ont été torturées et violées par des hommes de la ville, parce que divorcées avec ou sans enfant, elles vivaient seules. Les Tunisiennes ont obtenu la criminalisation des violences sexuelles à leur endroit et la poursuite des auteurs. Il reste que l'égalité des droits est à affirmer et à confirmer de manière permanente, y compris dans les pays les plus avancés, où des discriminations et des inégalités subsistent encore. En France, par exemple, ce n'est qu'en 2010 qu'une loi a été adoptée pour protéger les femmes contre les violences conjugales. En France, encore, les femmes représentent 83% des salariés à temps partiel et 78% des emplois non qualifiés, et elles gagnent toujours en moyenne 27% de moins que les hommes. Ces questions et d'autres encore seront soumises à l'analyse de Bochra Bel Haj Hmida, avocate auprès de la Cour de cassation de Tunis, spécialisée dans le droit social, le droit de la famille, les droits de la femme et les droits de l'homme ; Nourredine Saâdi, professeur à l'université d'Alger jusqu'en 1994, depuis, à l'université d'Artois en France où il enseigne le droit public et la science politique ; Fadhila Boumendjel-Chitour, ancien chef de service d'endocrinologie du CHU de Bab El Oued est membre du réseau Wacyla d'aide aux femmes et enfants victimes de violences, créé le 5 octobre 2000 ; Sihem Habchi, présidente du mouvement français Ni putes ni soumises (NPNS) depuis juin 2007 et membre du Collège de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) depuis juillet 2007.