L'ambassadeur américain à l'ONU a probablement brisé un tabou en dévoilant ce qui n'est rien d'autre que des discussions entre membres du Conseil de sécurité, surtout que la question, au demeurant à l'ordre du jour depuis 1948, soit depuis la création de l'Etat d'Israël par une résolution des Nations unies, n'a pas été portée à l'extérieur des murs de l'organisation internationale. John Bolton a, en effet, accusé mardi dernier l'Algérie d'avoir fait capoter une déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant un attentat suicide en Israël et exhortant la Syrie à fermer les bureaux du Jihad islamique qui l'a revendiqué. On remarquera au passage le parallèle fait entre deux questions pour le moins distinctes, c'est-à-dire la Syrie depuis un an objet d'un débat international, et l'organisation palestinienne qui a revendiqué l'opération menée en Israël, à Netanya plus précisément, faisant cinq tués et de nombreux blessés. Un acte de vengeance, déclarait l'organisation palestinienne. M. Bolton a déclaré aux journalistes que le texte défendu par Washington ne pourrait pas être adopté en raison du refus algérien d'une référence à la Syrie et au Jihad islamique. « Nous n'allons pas simplement accepter de diluer les communiqués du Conseil de sécurité, en omettant de nommer les personnes responsables, dans ce cas précis, d'attentats terroristes », a déclaré M. Bolton en regrettant que le Conseil n'ait pu agir. Le représentant permanent de l'Algérie auprès de l'ONU, Abdallah Baâli, ne se prive pas alors de répondre et fait valoir, quant à lui, une autre approche. Il a ainsi déclaré : « Nous devons avoir une approche équilibrée de la tragédie du Moyen-Orient et pas seulement nous concentrer sur les pertes en vies humaines israéliennes, quand il y a des Palestiniens, des gens innocents, qui perdent aussi la vie. » C'est ce que certains analystes de la question proche-orientale appellent l'indignation sélective. « Si nous ne le faisons pas, nous donnons l'impression que les vies palestiniennes sont moins importantes que les vies israéliennes », a affirmé l'ambassadeur algérien. « Nous devons nous assurer que la réaction du Conseil reste crédible », a-t-il ajouté. Notons que le Conseil de sécurité est traditionnellement saisi par l'Etat membre objet de telles attaques, et que la déclaration en question n'a nullement été mentionnée, le Proche-Orient étant le théâtre d'une véritable guerre de libération, comme le rappellent avec pertinence les annales de l'organisation internationale tenue à l'écart de toute forme de règlement. Ce qui rend encore plus grave l'injustice faite au peuple palestinien. Ce sont là les termes du débat, et s'il avait été appréhendé à temps, et sans parti pris, de nombreuses vies aussi bien palestiniennes qu'israéliennes auraient été épargnées. C'est le but de l'objection algérienne. De plus, estiment les mêmes analyses, la question palestinienne est déjà grave pour que lui soit adjoint le volet syrien, à la une de l'actualité internationale depuis septembre 2004, soit six mois avant l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, en plein centre de Beyrouth. Tout le propos est de décrire le Djihad islamique ainsi que le mouvement Hamas comme des organisations terroristes, comme le font les Etats-Unis, ce que de très nombreux Etats et organisations internationales se gardent de faire, ayant en tête le droit des peuples à recourir à toutes les formes de lutte pour obtenir la satisfaction de leurs droits nationaux. Cette question du droit des Palestiniens - sans que l'on sache sous quelle forme - a été abordée, hier, par les représentants du Quartette international sur le Proche-Orient qui se sont réunis dans les locaux de l'ONU à El Qods, pour examiner les moyens de relancer les contacts israélo-palestiniens, a indiqué l'ONU. La rencontre a réuni le secrétaire d'Etat américain adjoint, David Welch, l'émissaire européen au Proche-Orient, Marc Otte, son homologue russe, Alexandre Kalouguine, ainsi que l'envoyé spécial de l'ONU, Alvaro de Soto. Selon le porte-parole de l'ONU, les participants à la réunion ont notamment examiné « l'application de l'accord » sur la circulation entre la bande de Ghaza et la Cisjordanie, conclu le 15 novembre dernier sous l'égide de la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice. Israël a gelé jeudi dernier les négociations sur les convois d'autobus qui devaient permettre à des milliers de Palestiniens de circuler entre ces territoires à partir du 15 décembre, à la suite d'un attentat à Netanya. Le Quartette a également discuté des élections législatives palestiniennes prévues en janvier prochain et des « derniers développements sur le terrain ». En tout état de cause, le communiqué reste naturellement laconique, faute d'actions et même de perspectives pour avoir de fait annulé la principale d'entre toutes que se fixait le Quartette, celle de la création d'un Etat palestinien avant la fin de cette année. C'est ce que prévoyait sa fameuse Feuille de route à laquelle Israël a substitué son plan unilatéral de retrait de la bande de Ghaza. C'était alors le chaos programmé. Et rien n'indique, à travers les manœuvres politiques des chefs politiques israéliens, que la suite s'annoncera sans heurts. C'est le sens du message algérien.