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Témoignages
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Publié dans El Watan le 25 - 04 - 2011

-Pr Hassan Ouazzani.Faculté de droit de casablanca (Maroc) : «La révision de l'accord par l'Algérie va poser problème pour le Maroc et la Tunisie»
«L'Algérie veut réviser son accord. Ce qui va poser problème pour nous marocains ainsi que pour nos voisins tunisiens. Le Maroc qui a conclu l'accord en 1996 et l'a mis en œuvre en 2000, a déjà un statut avancé. La Tunisie est en train de demander le statut avancé. En ce qui nous concerne nous Marocains, nous voudrions que la Tunisie et l'Algérie avancent dans cette même voie. Tous ces problèmes auraient pu être réglés si l'UMA fonctionnait.D'un autre côté, on ne peut pas sous-estimer les implications de l'impact que les rapports avec l'UE peuvent apporter à la région, notamment au plan de l'intégration des économies des trois pays aux marchés intérieurs européens unifiés. Le bilan de l'accord conclu entre le Maroc et l'UE est positif parce que le Maroc a fait beaucoup de réformes notamment en matière de libéralisation de son économie, commerce extérieur et développement humain. Le lancement en 2003 de l'Initiative nationale de développement humain (INDH) pour réduire la pauvreté dans certaines zones du pays nous a été d'un grand apport dans l'épanouissement des relations avec l'UE. En contrepartie de ces réformes, le Maroc a été très exigeant vis-à-vis de l'UE. Il a demandé à ce que ces réformes soient accompagnées par les aides financières appropriées. Le Maroc a obtenu pas mal d'Investissements directs étrangers de même que nos voisins tunisiens. Pour l'Algérie, la rente pétrolière aurait pu servir à la relance de l'industrie, le tourisme et l'agriculture. Il y a un blocage quelque part».
-Pr Messaoud Mentri. Faculté de droit de Annaba : «Le mea-culpa est à faire des deux côtés»
«Comme vous l'avez eu à le noter, la quasi-totalité des communications et des débats s'articulaient autour de l'accord, processus et déclaration de Barcelone qui visait ni plus ni moins l'instauration d'une zone de libre-échange euromaghrébine. A ce titre, il y a lieu de rappeler que de nombreux accords de coopération ont été signés entre les pays du Nord et du Sud en vue de stimuler leur développement.La plateforme Barcelone constituait un tournant décisif. Ce mécanisme avait été conçu dans le cadre du nouveau régionalisme qui caractérisait alors les relations internationales. Ces dernières se distinguaient par l'existence de trois noyaux principaux : Bruxelles, Washington, Tokyo, noyaux autour desquels se regroupaient les pays satellites de leur sud dans une relation exclusive. Avec la globalisation et la nouvelle logique mondiale, ce schéma a changé du tout au tout : les pays du Sud ont diversifié leurs relations.
Cette globalisation a changé la donne avec des effets d'entraînement sur les transactions, les migrations, la diversification des échanges, les formes de criminalité notamment financière, l'irruption massive des diasporas du Sud, les droits de propriété sans parler des défis divers liés à la sécurité largo sensu (alimentaire, trafics d'organe et d'êtres humains, criminalité financière…). Le Maghreb, surtout l'Algérie, non signataire de l'accord de voisinage, a particulièrement été malmenée par l'accord d'association avec l'Europe.
La mise à plat de notre économie nous interpelle tous. Le mea-culpa est à faire des deux côtés. D'où l'intitulé du colloque international « accords d'association entre l'UE et les pays du Maghreb : état des lieux et perspectives» que nous avons organisé et la présence d'économistes, politologues, juristes et sociologues venus des deux rives de la Méditerranée».
-Azza Hammami.Diplômée en sciences politiques et relations internationales (universite Badji Mokhtar de Annaba) : «Un grand fossé
entre le discours et la réalité du terrain»
«Toutes ces conséquences désastreuses qui viennent d'être énumérées par les participants ne sont pas là pour encourager la poursuite du processus sans le réaménager vu que les inégalités des retombées économiques de cet accord ont pris largement le dessus sur les liens culturels et historiques de voisinage brandis à chaque fois que l'occasion est donnée aux politiques européens. Passées en revues, ces retombées nous amènent à conclure qu'au lieu que l'Europe participe à la mise en place de réformes pour un développement socioéconomique, elle a fait de sorte à attirer de plus en plus de candidats à l'immigration légale ou illégale soit-elle.
L'échange de coopération qui garantisse la prospérité partagée durable, la promotion d'une meilleure compréhension des aspects économiques à valoriser peuvent être des éléments prépondérants pour instaurer une nouvelle confiance entre le Sud et le Nord et ce par la mise en œuvre d'une coopération axée sur une concertation économique beaucoup plus appropriée. La recomposition de mécanismes économiques tournés vers des échanges réciproquement bénéfiques est, à mon avis, envisageable, mais doit être accompagnée d'une nouvelle politique macro-économique non récessive. C'est ainsi qu'on pourrait aboutir à une reconversion compétitive de notre économie. Il s'agit d'une démarche à entreprendre au plus vite, en mobilisant avec efficacité tous les moyens et les potentialités d‘investissement qu'aucun autre pays méditerranéen n'a. L'Europe ne cesse de dire à qui veut l'entendre que le «Maghreb constitue la frontière Sud de l'Union et que sa stabilité présente un intérêt commun important pour l'UE. Entre le discours et la réalité du terrain, le fossé équivaut à une frontière aussi longue que la Méditerranée et les Balkans réunis».

-Youssef Benabdallah. Université d'Alger : «Parler de croissance en Algérie serait une escroquerie intellectuelle»
«L'Algérie s'est très mal préparée avant de conclure l'accord d'association avec l'UE. Elle n'a pas pris en considération les spécificités de son économie à savoir une économie complètement désindustrialisée, une économie qui a connu le monopole et qui a orienté son marché vers l'intérieur. Contrairement aux pays asiatiques qui se sont préparés durant une quarantaine d'années et n'ont pas connu de problèmes de réajustement structurel. Ce qui leur a permis de réussir, c'est l'intérêt qu'ils ont porté à la culture de l'élite.
Ce qui est grave et incompréhensible pour notre pays, c'est qu'il a accordé une baisse de tarification douanière excessivement importante qui a dépassé les 30%, alors que les pays asiatiques, en dépit de la solidité de leurs économies, ont maintenu une tarification à hauteur de 160%. Personne n'a demandé ce sacrifice à l'Algérie. Il serait de nos jours une escroquerie intellectuelle de parler de croissance dans une économie où l'industrie ne participe que de 10% dans les recettes du pays.»

-Pr Abdelkader Kacher. Université de Tizi Ouzou : «L'ineffectivité opérationnelle de certaines dispositions de l'accord concourt en la nécessité de repenser les relations d'interdépendance »
« Avant d'aborder l'état des lieux des rapports algéro-européens régis par l'accord d'association, il me paraît utile de revenir sur les événements les plus marquants de l'histoire de ces rapports. Le statut juridique des relations algéro-européennes porte le seau de la spécificité des relations héritées par notre pays alors dépendant de l'ensemble français. Le traité de Rome, de 1958, posait déjà les fondements juridiques des relations qu'entretiendra l'Algérie par rapport à l'un des membres fondateurs de la CEE, la France. Vers le début des années 1970, notre pays, à l'instar des de ses voisins le Maroc et la Tunisie, s'engageait dans des négociations avec l'Europe en vue de conclure un accord de coopération.
Ce n'est qu'en 1976 que se concrétise cet élan d'expression de la volonté de mettre en place un cadre juridique approprié et d'égales parties pour une coopération mutuellement bénéfique. Suite à la mise en place du processus de Barcelone en 1995, notre pays signe en 2002 l'accord d'association avec l'UE et le met en œuvre en 2005. Si le statut privilégié réservé à l'Algérie post indépendance a continué de produire certains effets par rapport aux autres pays tiers, les lenteurs enregistrées dans la conclusion de l'accord de 1976 pose une question fondamentale de priorité du moment au vu de la conjoncture (choc pétrolier de 1973, avènement de la revendication d'un nouvel ordre économique international, les réflexions d'actualité sur la participation du tiers monde à la mise en œuvre du droit international, le dialogue nord-sud). L'avènement de la mondialisation et ses exigences économiques, sociales culturelles et politiques repose la question des priorités de l'Etat algérien vis-à-vis de l'ensemble communautaire. La phase critique de la signature de la Déclaration de Barcelone (1995), la déclaration finale de Marrakech de 1994 relative à la création de l'OMC et l'empressement de la Tunisie et du Maroc à conclure leurs accords avec l'UE, n'ont pas aidé à libérer l'initiative politique de l'Algérie pour emboiter le pas aux deux autres membres de l'UMA. L'interférence des relations bilatérales dites privilégiées entre l'Algérie et la France, membre clef de l'UE, a fait en sorte que les priorités, encore une fois, restent dans l'expectative entre le bilatéralisme et du multilatéralisme que l'Algérie voulait prendre en charge.
L'actualité des relations entre l'Algérie et l'UE, à la lumière des révolutions dites de la jeunesse maghrébine et du Machrek, remet en cause les déclarations d'intention inobservées par les deux parties et pose au final la question de savoir quand et comment renégocier l'accord entre l'Algérie et l'UE pour que l'esprit de la déclaration de co-développement humain prenne un sens actif dans le sillage d'un avenir sécuritaire partagé. L'ineffectivité opérationnelle de certaines dispositions de l'accord, notamment des articles 3, 6, 82 à 83 concourt en la nécessité de repenser les relations d'interdépendance au-delà du mirage de l'Union pour la Méditerranée (UPM) mort-né ».

-Pr Oscar Garavello.Université des études de Milan (Italie) : «Il faut savoir comment tirer profit de ces accords»
«Cet accord est indispensable pour l'Algérie, toutefois, il faut avoir une politique économique interne de soutien aux effets et de compensation. Il faut qu'il y ait une révision de la gouvernance globale en ce qui concerne le commerce extérieur, l'immigration et les investissements directs étrangers. Ces accords d'association ne sont pas de stricts régimes libéraux mais ils donnent la possibilité et même la nécessité d'intervention des pouvoirs publics. Il faut savoir comment tirer parti des possibilités qui sont offertes par ces accords.»


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