Le chef de l'Etat n'a même pas essayé de sauver la face, ou de faire semblant, en confiant la commission «des réformes» à une personnalité nationale indépendante qui n'est pas liée à une fonction institutionnelle ou par un mandat électif. En chargeant Abdelkader Bensalah, président du Sénat et membre du RND, d'une telle mission, Abdelaziz Bouteflika n'a certainement pas cherché ne serait-ce qu'un minimum de consensus autour d'une démarche qui nécessite pourtant beaucoup de crédibilité, même si le rôle attribué au président du Sénat sera limité à la réception des propositions et des points de vue de partis politiques et de personnalités qui gravitent évidemment autour du système ou en font carrément partie. Des «consultations» auxquelles, faut-il le noter, l'opposition ne semble pas disposée à prendre part. La démarche est donc tellement biaisée que l'intention –même si nul ne nourrit d'illusion sur le sens de la révision constitutionnelle annoncée – apparaît dans toute sa clarté au plus crédule des observateurs : les promoteurs de cette révision de la loi fondamentale ne sont pas prêts à mettre le pays sur la voie du changement. La logique des choses est que les tenants du pouvoir – et qui comptent bien le rester – ne sont pas fous pour se faire hara-kiri. Et c'est presque une lapalissade que de dire que ce ne seront pas eux, en tout cas, qui élaboreront une loi qui les mettrait sur le carreau de l'histoire. La tentation de ne rien céder sur l'essentiel est tellement grande que le souci de mettre les formes est totalement absent. La démarche est en réalité guidée par le seul enjeu de donner l'image, à l'étranger, d'un régime qui veut s'amender par des effets d'annonce d'une révision constitutionnelle ne présageant, visiblement, aucun changement de fond ni dans la nature du pouvoir ni dans ses pratiques. Ce n'est d'ailleurs pas à un dialogue politique que Bouteflika a appelé les partis, mais à une cérémonie d'enregistrement de doléances où Abdelkader Bensalah jouera le rôle de «vaguemestre». Ceux qui accepteront d'y aller seront ceux qui auront consenti à faire les figurants dans une pièce où le pouvoir jouera le rôle principal. Ce dernier n'a en effet aucune intention de les élever au rang de partenaires politiques. Le scénario semble cousu de fil blanc. Il y aura certainement beaucoup d'agitation dans les gradins lorsque certains seconds rôles entreront en scène pour faire croire à une nouvelle trame pour sortir du «tragique». Ce ne sera pas le cas ! Le pouvoir cherche à déjouer la pression internationale par l'esbroufe. Sa réalité est perceptible dans la manière, les moyens et la violence qu'il met à étouffer dans l'œuf toute manifestation de peur qu'elle ne prenne la tournure qu'ont prise les révolutions qui ont fait chuter les régimes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte.