Samedi soir, à la cinémathèque d'Alger, le projet Trans-Maghreb a présenté au public quatre courts métrages réalisés par de jeunes cinéastes. Air, mer, terre. Trois éléments forts présents dans les courts métrages projetés en avant-première, samedi soir, à la cinémathèque d'Alger, à la faveur du projet Trans-Maghreb, initié par les associations Belle-ville et Project'heurts, ainsi que l'artiste vidéaste Katia Kameli. L'air d'abord. Même si le titre Les Pieds sur terre peut induire en erreur, le court métrage d'Amine Hattou raconte bien une histoire de vol. Sans avoir des ailes, Nassim se réveille, au son de la radio, le visage collé au plafond. Comment se fait-il ? Nassim défie, sans être dans l'espace, la règle de la gravité. Cette règle qui permet aux humains de ne pas monter au ciel le cœur battant. Avec des chaussures de plomb, le jeune homme tente de s'accrocher aux trottoirs de sa ville et de trouver un travail dans un call center. Là où curieusement un patron veut «encourager» les jeunes. D'habitude, c'est le contraire ! L'idée du film est intéressante. D'abord par sa légèreté et son originalité, mais également par les lectures variables qu'elle suggère. La quête du rêve peut dépasser parfois l'enveloppe charnelle de l'homme. Elle peut faire vivre le bipède dans «le hors» temps (à défaut de champs !). Le court métrage Les Pieds sur terre manque toutefois de tonus. Il fallait peut-être éviter au téléspectateur de deviner la fin ! De formation journalistique, Amine Hattou semble avoir de la passion pour explorer le monde du septième art. C'est déjà suffisant pour démarrer. La terre ensuite. Les 100 pas de Monsieur X , de Sofia Djama Bendjebbar, est une histoire de pied. Ou plutôt de traces de pieds. Sur une plage, Monsieur X (trop jeune pour porter le poids de l'anonymat) marche avec Jorg, un noir de Suède. Le jeune X marche, comme un djinn, sans laisser de trace sur le sable mouillé. Il est pris par une petite panique. Dans ses yeux apparaissent ces questions : «Qui suis-je ?», «Existe-je ?» Surtout que Jorg n'a aucun problème : ses pieds laissent des empreintes. Même le sang de Monsieur X disparaît. La solution pour lui coulera de source ! Là aussi, le vouloir dire sur l'identité épouse «les gros» traits de l'évidence. Noir et blanc, exprimés par les habits, sont assez mal exploités. Un scénario à parfaire. Idem pour Square Port Saïd de Faouzi Boudjemaï. Avoir des personnages muets dans un bus algérois ne peut pas être d'un grand secours pour l'esthétique. La simplicité de l'histoire également. Un jeune homme monte dans un bus. Il prend place face à une jeune fille et à une gamine. La communication est visuelle par sourire et petits gestes. Une séduction ? Possible. Un origami, qui est un art à part entière, permet au jeune homme de dire ses idées. C'est moins ce que l'on peut penser. Dans le bus, chacun «parle» à sa manière. Les scènes de bus ne manquent pas dans le cinéma algérien. D'où la sensation du déjà vu. Il n'empêche que la recherche sur l'image faite par Faouzi Boudjemai, un diplômé de l'Institut supérieur des arts du spectacle et de l'audiovisuel (Ismas), n'est pas négligeable. Tout comme sont belles ses prises de vue presque au ralenti sur la Méditerranée, baignée dans le soleil d'Alger. Mer, enfin. Freedom (liberté) du Tunisien Khaled Hafi repose, encore une fois, la question de la migration. On désespère presque au début du film, lorsqu'on voit Mohamed s'entendre avec sa copine Nour (sans doute un clin d'œil aux trucs Mohanad et Nour, le feuilleton à l'eau de violette qui a tant faire pleurer les filles du monde arabe !) pour prendre un barque sous couvert de la nuit. Des harraga ? C'est évident. On se dit : et alors ? Quoi de neuf ? Et la surprise est dans la suite de la trame, bien travaillée par le jeune vidéaste. Mohamed sera traité de «la maladie» de l'émigration. Il devra prendre «Freedom» sous forme des suppositoires ! L'apprentissage de la liberté se fait-il par «la base» ? Les médicaments auront un effet étonnant sur le candidat au départ. Freedom a un côté cynique qui plaît. Une touche politique aussi. Le monde libre se trouve-t-il réellement de l'autre côté ? Visiblement, Khaled Hafi, qui doit partager les idées des jeunes qui ont fait la révolution à Tunis, a tenté de «tordre le cou» aux théories européennes sur les flux migratoires. Des théories qui voient en chaque jeune maghrébin un migrant potentiel. Le récent curieux débat sur la révision du système Schengen suffit pour comprendre qu'à Bruxelles, quelque chose ne tourne pas rond. L'économie européenne ne peut, désormais, plus fonctionner sans apports réguliers de migrants. Un constat qui fait peur. On refuse qu'il monte à la surface. On invente les polémiques ! Maqam Echahid, court métrage vidéo du plasticien marocain Mohamed Arejdal, n'a pas été projeté samedi soir. «Le film n'est pas encore prêt. Il sera présenté au public dans une séance spéciale», ont promis les organisateurs. Un jour de tournage, deux jours de montage, les jeunes cinéastes, menés par Katia Kameli, ont pu relever le défi de réaliser des courts métrages. Un petit pas qui sera sûrement suivi par d'autres. C'est aussi une expérience dans un pays où il n'existe pas d'école de cinéma. Le projet Trans-Maghreb emprunte l'appellation à l'autoroute qui traverse le Maroc, l'Algérie et la Tunisie (en attendant l'ouverture des frontières !). «Il s'agit d'un atelier de formation, de réalisation, de production et de diffusion d'un mois. Les jeunes, trois Algériens, un Marocain et un Tunisien, ont été soutenus par une équipe technique», a expliqué Katia Kameli. Les initiateurs du projet ont reçu 80 projets. Un comité de lecture en a sélectionné dix, puis cinq. Trans-Maghreb est le second atelier organisé en Algérie. En 2006, l'association Belle-ville avait permis à de jeunes Algériens de participer à l'atelier Bledi in progress.