Le bras de fer qui oppose les médecins au ministre de la Santé se durcit et l'espoir d'une sortie de crise apaisante pour le secteur s'affaiblit. La dernière sortie du ministre, Djamel Ould Abbès, a été éloquente : «La récréation est terminée. Ces grèves sont illégales, nous effectuerons des ponctions sur salaire.» Cette déclaration n'a pas provoqué l'onde de choc espérée et les médecins grévistes semblent déterminés à résister à l'intimidation. Ce sont à présent trois forces syndicales à s'opposer au ministre : le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra), – premier à entrer en grève illimitée, il y a deux mois – , le Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) et le Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP) qui ont entamé hier leur premier jour de débrayage. Le Camra, qui est en cours de négociation avec la tutelle, ne se fait pas trop d'illusions sur ces rencontres de conciliation. «La menace de recourir à la justice ne nous fait plus peur. Et il faut avouer que les déclarations incendiaires et contradictoires du ministre qui hésite entre promesses et menaces ne font que renforcer la mobilisation des médecins résidents. Nous participons à ces réunions mais tout porte à croire qu'ils ne sont pas prêts à ouvrir un vrai dialogue», explique le Dr Yelles, délégué de l'hôpital Mustapha. Les deux autres syndicats affichent une même détermination. «Ils veulent saboter notre mouvement en faisant passer le médecin algérien pour un employé qui ne s'intéresse qu'à son salaire, mais la vérité, c'est que le secteur est à l'agonie et c'est ce qui nous préoccupe en tant que praticiens», souligne Dr Yousfi, président du SNPSSP, qui donne un taux de suivi de 80% pour la première journée de grève. «Nous n'avons pas peur de faire de la politique !» En réponse aux déclarations sur les motivations de ces grèves jugées «préméditées pour des intérêts particuliers» par le premier responsable du secteur de la santé, Dr Yousfi est sans équivoque : «Si défendre l'intérêt du malade algérien est considéré comme étant de faire de la politique, alors nous pouvons clairement affirmer que nous n'avons pas peur de faire de la politique !» Et d'ajouter : «C'est scandaleux pour un ministre de la Santé d'insulter ainsi l'élite de ce pays. Il est évident qu'il n'a nullement l'intention d'instaurer un vrai dialogue avec les partenaires sociaux. Il refuse de prendre en compte les instructions mêmes du Président. Il opte pour des manœuvres de déstabilisation.» Le ton monte d'une part comme de l'autre, les revendications formulées par les trois forces syndicales, elles, restent sans suite. Alors qu'une note ministérielle circule depuis hier dans les structures hospitalières donnant ordre aux directeurs d'effectuer des ponctions sur salaire, des assemblées et des réunions continuent de s'organiser du côté des médecins grévistes. Le SNPSP et le SNPSSP doivent trancher dès aujourd'hui sur les démarches à suivre dans les prochains jours. Le Camra, de son côté, tout en maintenant le mot d'ordre de grève illimitée, se donne le temps de voir de plus près les limites de la commission des sages, censée statuer sur l'éventuelle abrogation du service civil. A ce stade de la contestation, les médecins résidents se disent «déterminés à aller jusqu'au bout de la contestation», sans même s'inquiéter d'une éventuelle année blanche. Des actions de protestation plus radicales sont envisagées pour la fin de la semaine en cours.