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Une humaniste engagée et discrète...
Claudine Chaulet. Sociologue, militante de la cause nationale
Publié dans El Watan le 19 - 05 - 2011

«Ce que nous appelons histoire est un effort en faveur des autres, payé très cher par la souffrance des hommes.»
G. A. Mangakis
On ne peut les imaginer l'un sans l'autre. Pierre et Claudine, Claudine et Pierre. Unis pour le meilleur et pour le pire depuis près de 60 ans. Leurs destins se sont aussi croisés pour leur amour des justes causes dont la lutte pour l'indépendance de leur pays, l'Algérie, n'est pas des moindres. «Un pouvoir absolu discriminatoire ne pouvait faire le mal impunément. Pour le combattre, il n'y avait d'autre rempart que celui de l'insurrection. Et lorsque le 1er Novembre éclata, charriant les colères longtemps contenues, cette étincelle était perçue par beaucoup comme une délivrance», témoigne ce vieux militant nationaliste qu'est Chergui Brahim.
Chergui connaît bien les Chaulet pour avoir été responsable politique de la Zone autonome d'Alger. A ce titre, il était souvent en contact avec Pierre, jeune médecin qui soignait les combattants blessés.
«Dans sa participation à l'organisation des soins aux malades et aux blessés de l'ALN, le Dr Chaulet a aussi contribué à la formation d'infirmiers et d'infirmières», note-t-il, sans oublier qu'il a su concilier le bistouri et le stylo puisqu'il faisait partie des cadres rédacteurs d'El Moudjahid, clandestin à Tunis. Le témoignage du moudjahid Sid Ahmed Hassam place le couple Chaulet dans la trajectoire des gens pleins de conviction, de courage et qui se sont sacrifiés pour leur pays depuis plus d'un demi-siècle en toute humilité. «Ces gens-là, il faut leur tirer chapeau», résume-t-il, joignant le geste à la parole. «Les Chaulet sont des gens exceptionnels qui ont consenti des sacrifices considérables, qui sont restés fidèles et attachés à leur terre qu'ils n'ont cessé d'aimer. Leur implication dans la lutte renseigne sur leur total engagement.» Au déclenchement de la lutte, Pierre et Claudine n'avaient pas à faire de choix. Ils ne s'embarrassaient pas de questions. Ils étaient déjà dans le camp revendiquant la liberté et l'indépendance. Du reste, comment pouvait-il en être autrement pour des êtres pétris de foi, progressistes et qui abhorrent par-dessus tout les injustices et les inégalités.
Pierre, médecin et journaliste
Pierre et Claudine ont fait leur devoir tout simplement, en toute humilité sans le claironner sur tous les toits. Et lorsque le pays est allé à la rencontre de son destin en recouvrant son indépendance, Pierre et Claudine engagèrent un autre combat moins risqué, mais plus passionnant. Pierre contribua à sa manière à façonner le nouveau système de santé publique en participant activement avec d'autres à l'éradication graduelle de la tuberculose, en plaidant depuis, inlassablement pour les réformes dans ce domaine.
Claudine, elle, avait apporté ses jalons aussi bien dans les amphithéâtres des universités où elle enseignait la sociologie que dans les vergers de la Mitidja où elle a côtoyé les agriculteurs en jetant un œil critique sur la gestion de cette plaine nourricière agressée et presque abandonnée.
Pour les deux époux, le rapport à la Révolution s'est fait d'une manière mécanique, spontanément sans calculs, persuadés qu'ils étaient «non seulement solidaires d'un camp, mais dans un camp», comme le relève Pierre dans l'un de ses écrits.
Tous les deux avaient été frappés par la situation des Algériens réduits à des citoyens de seconde zone, sinon à des sous-hommes. Le premier choc pour eux a été de découvrir l'inégalité politique et sociale et le mensonge institutionnel concrétisé par le statut imposé par le pouvoir français à l'Algérie en 1947, mais aussi la découverte de la misère dans les bidonvilles d'Alger. Et puis,
Pierre n'était-il pas nourri par une culture de la lutte pour la liberté et la justice. Très jeune, éveillé aux problèmes sociaux, influencé par son passage au sein des scouts français et par son père Alexandre né en Algérie, fondateur des premiers syndicats et à l'origine de la mise en place, en 1941, de la première Caisse d'allocation familiale et des assurances sociales...
«parler de moi, à quoi bon ?»
Claudine est une femme silencieuse. On se demande parfois par quel prodige certains êtres parviennent-ils à se forger une autre carapace, à se dissoudre dans la foule, presque à s'effacer alors que leurs prouesses exceptionnelles sont inscrites dans le registre de l'héroïsme, de la compréhension du monde et des êtres. Beaucoup d'humilité, mais ne dit-on pas que l'humilité naît de la confiance des autres.
Parler de moi ? A quoi bon, semble-t-elle suggérer lorsqu'elle nous reçoit à son domicile sur les hauteurs d'Alger, en nous prévenant de ne pas prêter attention au chien qui aboie dans le vestibule. Réservée à l'extrême, elle rechigne à exposer à une époque, la nôtre, où règne le désir insensé d'apparaître si ce n'est de paraître. Claudine, si fragile et si puissante par sa finesse, ses engagements et son apport incontestable au progrès, consent finalement à parler de son passé. «Je suis née en 1931 à Longeau en Haute-Marne. Mes parents sont venus ici en Algérie en 1941. Mon père était officier de gendarmerie alors que ma mère enseignait l'histoire et la géographie.»
Des parents libéraux
«Mes parents étaient des libéraux et fondamentalement républicains, antifascistes. Ils étaient venus en Algérie de leur propre chef. Ils ont toujours répondu à mes questions sur l'Algérie, son histoire et sur les importantes étapes traversées. Il n'y avait aucun tabou à dire des vérités. Tolérants, mes parents m'ont élevée dans une ambiance de liberté. Pour vous dire, à l'instar de ma mère, j'étais destinée à une carrière d'enseignante en lettres. Lorsque j'étais étudiante à Alger au début des années cinquante, j'avais suivi les cours d'André Mandouze. J'étais syndicaliste en essayant de défendre les intérêts des étudiants. J'avais compris que le 1er Novembre était un événement extraordinaire qui allait donner enfin un sens aux luttes. C'est donc tout naturellement que je me suis engagée aux côtés de Pierre...» Le destin de Pierre et Claudine était scellé dans une rencontre au domicile du professeur Mandouze à Alger, au cours d'un dîner auquel assistaient Salah Louanchi et Abdelhamid Mehri.
Claudine était déjà dans le feu de l'action et ses actions futures la mettront à l'épreuve. Elle a contribué à transporter les militants nationalistes. C'est elle qui a transporté Abane Ramdane d'Alger jusqu'à Soumaâ à ses risques et périls. Avait-elle eu peur ? «Non. Le sentiment de la peur qui est profondément humain s'estompe dans des circonstances pareilles. En tout cas, en m'engageant dans la lutte, je savais à quoi m'en tenir. J'étais préparée à toutes les éventualités.»
Abane se devait d'être évacué de la capitale, car l'étau se resserrait autour du CCE. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que le document de la plate-forme d'Août 1956, adopté à Ifri au Congrès de la Soummam, a été transporté dans les langes du nourrisson de Claudine, son fils Luc.
Une sociologue respectée
A Tunis, Claudine s'est occupée du foyer des moudjahidine et du rapatriement des réfugiés que Pierre allait visiter aux frontières aux côtés des docteurs Bachir Mentouri, Tedjini Haddam, Oucharef...
D'études littéraires, Claudine a bifurqué pour se consacrer à la sociologie. Pourquoi cette
option ? «C'est par choix volontaire pour être plus près de la société, pour en tâter les pulsations.» Elle ne renie nullement son passé littéraire aux côtés du professeur Mandouze «qui avait une forte influence sur ses étudiants desquels il était très proche. Sans doute aurait-il pu avoir un impact encore plus grand s'il avait pu s'exprimer davantage. Cela dit, Mandouze n'était pas une école à proprement parler. On se retrouvait et nos idées s'y retrouvaient.»
Professeur de sociologie à l'université d'Alger, Claudine a beaucoup travaillé sur l'agriculture, notamment dans la plaine de la Mitidja, défigurée. Elle en dresse un constat accablant : «Quand je me promène sur les terres de la Mitidja, je remarque que les arbres sont vieux et ce n'est pas normal — les gens qui ont hérité des fermes n'ont pas replanté —, sidérée que le béton pousse un peu partout sur les meilleures terres agricoles et en pleins vergers.
Les jeunes ne veulent plus s'abaisser à travailler la terre. Les gens rêvent de conduire des voitures de luxe, des camions pour faire du commerce, mais on trouve rarement ceux qui font pousser des légumes...»
Claudine a aussi eu l'occasion de donner son point de vue sur La Mitidja 20 ans après, un ouvrage collectif à propos duquel elle interpelle ses auteurs en précisant que l'histoire extraordinaire des terres agricoles appartenant à l'Etat a commencé depuis l'autogestion en s'interrogeant à travers la trame du livre sur le facteur humain dans la Mitidja. L'exemple des locataires est très frappant, constate-t-elle. Qui sont-ils. D'où viennent-ils ?
Quel statut ont-ils ? Autant de questions auxquelles il est certainement très difficile de répondre sans y avoir longuement travaillé. L'existence de ces locataires met en opposition la légitimité de travailler les terres et le droit à la terre dans la Mitidja, conclut-elle.
Dans ses réflexions sur la terre et sur ceux qui sont censés lui donner vie, Claudine est à la fois très sévère et très tendre. Son souci, comme elle a tenu à l'affirmer, n'est pas de décrire un monde mais de pénétrer dans un environnement fragile que la réalité malmène.


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