Le nombre de spécialistes en médecine légale ne dépasse pas les 126 médecins actuellement. Effectifs insuffisants, moyens matériels dérisoires et situation sociale peu enviable… Les médecins légistes en Algérie évoluent dans des conditions pas du tout à la hauteur de leur noble mission. «Nous n'avons pas encore suffisamment de moyens. La médecine légale ne se développera qu'avec les droits de l'homme et la démocratie», déclare Madjid Bessaha, expert près les tribunaux et président de la Société algérienne de médecine légale (SAML). S'exprimant à l'occasion de la 11e journée médico-judiciaire, organisée jeudi dernier à Alger, le professeur attire en effet l'attention sur la situation sociale catastrophique des médecins légistes et des agents «morguistes». «Les morguistes sont déconsidérés à la fois sur le plan social et sur le plan du salaire. Leurs salaires sont les plus bas en Algérie», lance-t-il. Madjid Bessaha interpelle, à cet effet, les autorités. «Les pouvoirs publics doivent donner des moyens pour promouvoir cette spécialité qui est une spécialité de défense des droits humains», explique-t-il. Selon lui, la médecine légale doit bénéficier d'une considération à la hauteur de son rôle dans la société. «Nous voulons que la médecine légale soit nommément citée dans la loi sanitaire en tant que spécialité qui a ses propres spécificités sur le terrain. C'est une spécialité particulière qui est au service de la santé, la justice et la police scientifique et il faut qu'on lui reconnaisse ce rôle», insiste-t-il. Et d'ajouter : «On rend service à la justice et on donne du travail à la police scientifique. On fait aussi de la formation. Mais personne ne s'occupe de nous. Nous participons surtout à la promotion des droits de l'homme et à la protection des droits humains.» Le premier responsable de la SAML attire également l'attention sur l'insuffisance des effectifs qui complique davantage la mission des médecins légistes. «La formation de la médecine légale n'était pas une priorité. Il n'y a pas beaucoup de postes budgétaires pour la médecine légale et les étudiants en médecine ne courent pas après cette spécialité. C'est la seule spécialité qui ne s'exerce que dans le secteur public. Les médecins légistes sont des fonctionnaires à vie, alors que ce n'est pas le cas pour d'autres spécialités», précise-t-il. En effet, le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès reconnaît cette situation. «L'effectif actuel des spécialistes en médecine légale s'élève à 126 médecins légistes, dont 8 professeurs, répartis sur l'ensemble des établissements publics hospitaliers du pays. C'est un nombre insuffisant et nous comptons doubler ce nombre d'ici 2013», précise-t-il. Djamel Ould Abbès s'est dit persuadé que son homologue, le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, s'emploierait à favoriser cette spécialité dans la post-graduation des sciences médicales tant au niveau du recrutement que de l'enseignement théorique. Pour assurer une meilleure couverture du territoire national, la SAML demande une augmentation de l'effectif des médecins légistes. «Nous avons besoin de médecins légistes dans n'importe quelle cour de justice. Il faut au minimum 4 médecins par cour de justice afin de donner plus de crédibilité à notre travail qui consiste à chercher la vérité et à apporter la preuve d'un fait criminel ou accidentel. Et pour avoir la preuve, il faut la chercher. Cela nécessite des moyens», souligne Madjid Bessaha.