Tout le monde, les pouvoirs publics en-tête, semble s'accommoder du phénomène qui se propage aux quatre coins de la cité. De mémoire collective, la ville de Mila n'a connu pareille clochardisation. La densité des commerces en tout genre porte un sérieux coup au prestige d'une cité censée assumer son statut de chef-lieu de wilaya. La prolifération tous azimuts et incontrôlée des activités commerciales n'est, certes pas, une spécificité locale, mais le hic à Mila, c'est que face à l'avancée du phénomène, qui étend ses ramifications jusqu'aux portillons des administrations et institutions étatiques, les pouvoirs publics, impuissants, laissent faire. Le contribuable est souvent mis devant un véritable dilemme. Et pour cause, les jours de marché, samedi et mardi, qu'on appelle localement «trabendo», l'accès à certains organismes publics relève du parcours du combattant. N'épargnant ni trottoirs ni chaussées, les irréductibles marchands informels font une concurrence déloyale aux autres commerçants exerçant en toute légalité. Payant pourtant rubis sur l'ongle taxes et impôts, ces derniers se disent injustement pénalisés par les circuits informels. «C'est à se demander s'il y a vraiment des lois dans ce pays. Des vendeurs de bibelots et de chinoiseries dressent leurs étals et bicoques juste devant les portes de nos magasins, et gare à celui qui ose s'y opposer», fulminent des gérants de boutiques. Dans ce cas précis, des boutiquiers affirmant avoir fait l'objet d'agressions physiques récurrentes commises par des énergumènes, ont vérifié à leurs dépens toute l'étendue de l'incivisme et de l'impunité dont jouissent les marchands informels.En milieu d'après-midi, à la fin du souk, la partie basse de la ville, précisément la cité Boutout et les quartiers environnants, devient, le moins que l'on puisse qualifier, un immense conglomérat d'impuretés et d'ordures. Des monticules d'avaries agricoles, ainsi que des restes de carton et des déchets d'emballage sont amoncelés sur les trottoirs et la voie. Les rues Ahmed Benbouzid et Hocine Zerrouki, abritant les sièges de l'Anem, la CNR et Algérie Télécom, n'échappent pas à ce constat très peu reluisant. «Mila qu'on affuble de fief de la culture et de civilisations millénaires, s'est transformée en un vaste bazar à ciel ouvert. Son tentaculaire souk bihebdomadaire a ajouté un zeste de laideur à la cité, si bien que ce gigantesque pôle commercial est devenu une hantise pour les citoyens qui, depuis son instauration, n'ont plus droit au repos et à la tranquillité», regrette un notable de la ville. En plus de polluer outrageusement les places publiques, les centaines de commerçants causent, par le squat délibéré du moindre espace, de grandes difficultés aux passants et provoquent d'inextricables embouteillages.