En diffusant les premières images du président Bouteflika à sa sortie d'hôpital, la télévision algérienne a eu son scoop, bien que cette exclusivité parût évidente compte tenu de “l'algérianité à cent pour cent” de l'événement. On imagine, en effet, mal le fait de voir des chaînes étrangères doubler notre Unique sur un sujet qui concerne au premier chef les Algériens. Il n'empêche, ces images prises sur le vif, montrant le premier magistrat du pays visiblement très fatigué mais souriant, ont fait le tour du monde. Les télés françaises, en particulier, qui avaient abondamment spéculé sur ce que les médias de l'Hexagone ont appelé “la mystérieuse maladie de Bouteflika”, ont repris dans leurs JT presque dans leur intégralité les séquences de la réapparition publique de ce dernier après 21 jours d'absence. Les commentaires ont été, cette fois, bridés puisqu'ils ne sont pas sortis du cadre informatif. C'est la preuve que ce coup médiatique de l'ENTV, qui par ailleurs devenait impératif pour mettre un terme aux rumeurs les plus affolantes, a servi à mettre de l'ordre dans certaines rédactions. Chez nous, comme disent les animateurs du petit écran, les retrouvailles télévisuelles avec Bouteflika ont été, comme il fallait s'y attendre, des moments d'intense émotion. Normal. Très attentifs à l'évolution de l'état de santé de leur Président, les Algériens ont accueilli avec soulagement le relevé rassurant de son bulletin médical. Devant la maladie, c'est la compassion qui prime, et partout c'est la même sensibilité qui était affichée, sans calculs ni arrière-pensées. Il reste que notre Unique, en passant et repassant les précieuses images ramenées de France, et en allant chercher là où elles ne se trouvent pas “les manifestations d'enthousiasme spontanées” pour montrer à quel point le peuple attendait cet instant, a failli banaliser cette exclusivité en l'enveloppant d'ingrédients qui auront finalement pris l'allure d'un flop. Il est, en effet, difficile de croire que l'ambiance euphorique qui a empli la salle de l'université de jeunes filles-que la caméra, postée comme ça par hasard au moment crucial, a surprises rivées à leur tube cathodique-ne tient pas de la mise en scène. Il en est de même de ces cortèges de voitures avec leurs klaxons sonores qui sortent du néant pour exprimer une solidarité populaire envers le chef de l'Etat. En voulant faire plus qu'il n'en faut et en oubliant qu'il s'agit d'une maladie qu'il faut préserver de toutes les manipulations, l'Unique nous ramène à des pratiques d'un temps révolu où toutes les gesticulations étaient bonnes à prendre, l'essentiel étant de montrer la spontanéité active du peuple vis-à-vis de son dirigeant suprême. Un scoop donc géré dans les limites du passionnel. A retenir aussi, cette semaine, deux excellentes émissions à dimension politique pour dénoncer la récente bourde commise par la droite française au pouvoir. En effet, la télévision algérienne a réagi avec beaucoup d'à-propos au débat qui s'est instauré autour de l'adoption, par le parlement français, de la loi du 23 février 2005 qui, dans son article 4, reconnaît le rôle positif de la colonisation française, notamment en Afrique du Nord. Les deux émissions en question, table ronde en direct de “Sur le vif” et le documentaire “La guerre des mémoires”, ont eu la lourde tâche de traiter de ce sujet d'une brûlante actualité qui replace les rapports entre l'Algérie et la France au centre de la controverse au moment où les deux pays s'acheminaient vers la signature d'un traité de paix synonyme d'ouverture d'une nouvelle ère dans leurs relations. L'une et l'autre, en faisant appel à des historiens et à des intellectuels avisés, ont réussi à démonter tous les mécanismes de réflexion tendant à prouver les bienfaits de la présence française outre-mer. Ils ont bien expliqué avec force argumentation que cette loi qui ne cesse de soulever des tempêtes, comme c'est le cas aux Antilles, est le résultat d'une surenchère politique et confirme l'inquiétante avancée de l'extrême droite dans un pays où les idées humanistes appartiennent désormais au passé.