La terrible histoire du pilote algérien arrêté après les attentats du 11 septembre. L'ancien pilote d'avion et instructeur de pilotage algérien, Lotfi Raïssi, vient de publier un ouvrage où il raconte comment, dans la nuit du 21 au 22 septembre 2001, sa vie a basculé dans un cauchemar. Vers 3h30, une escouade de policiers, armés de fusils d'assaut, envahit son appartement de la banlieue de Londres. Il est arrêté sous l'accusation d'être un lieutenant d'Oussama Ben Laden, organisateur des attentats du 11 septembre 2001, et d'avoir formé au pilotage les terroristes d'El Qaîda, impliqués dans cet événement. Pour le FBI et le MI5, il était le bouc émissaire idéal : jeune, 27 ans, instructeur de pilotage et musulman, alors qu'il n'a rien d'un islamiste, encore moins d'un terroriste. Il a ainsi le triste privilège d'être la première personne arrêtée dans le cadre de ces attentats. Sa femme, Sonia, française originaire de Grenoble, est arrêtée en même temps, de même que son frère aîné, Mohamed, marié et résidant aussi à Londres. Mohamed est maintenu deux jours en garde à vue, et Sonia, cinq jours. Dès sa sortie, elle est licenciée par Air France de son poste d'hôtesse d'embarquement à l'aéroport de Heathrow. Quant à Lotfi, il est maintenu sept jours en garde à vue, bien au-delà du délai légal maximum de 72h, avant d'être incarcéré dans la sinistre prison de Belmarsh réservée aux plus lourdes peines de réclusion et aux terroristes islamistes. Des gardiens, commandés ou non de l'extérieur, tenteront à deux reprises de le faire assassiner à l'arme blanche par des détenus de droit commun. Il est traîné dans la boue par la presse britannique, états-unienne et arabe (El Jazeera et El Arabia), sans aucun respect pour la présomption d'innocence. La plus grande crainte de ses avocats et de ses proches était que la justice britannique cède aux énormes pressions des USA pour le faire extrader vers ce pays où il risquait la chaise électrique. Mais la solidarité s'organise. Sa famille à Londres et en Algérie, des amis algériens, arabes, mais aussi britanniques, états-uniens et français, lancent notamment une pétition pour sa libération. La presse algérienne, maghrébine et africaine le soutient également. Le juge Timothy Workman, exaspéré par l'absence totale de preuves à l'appui d'accusations gravissimes, finit, le 12 février 2002, par lui accorder la liberté provisoire, après quatre mois et demi de détention, puis un non-lieu, le 24 avril suivant. Mais l'avenir professionnel de la victime, inscrit sur la liste noire de l'aviation civile, est compromis. Pour Lotfi Raïssi, le pilotage est plus qu'une passion. Sa mère n'avait pas hésité à sacrifier le montant d'un héritage pour financer ses études à l'étranger, notamment aux USA où il a obtenu en deux ans seulement la licence de pilotage. Il préparait d'ailleurs l'examen d'habilitation de sa licence de pilotage sur des Boeing 737 lorsqu'il fut appréhendé. Quelques semaines plus tard, de parfaits imbéciles au ministère algérien des Transports rejetteront sa demande de recrutement au pays, sous prétexte que ses diplômes étaient américains ! L'année suivante, on lui propose, avec «déférence», le même poste de pilote, dans la compagnie algérienne de son choix. Mais il refuse par principe. Après le non-lieu, une autre lutte attendait Lotfi : obtenir réhabilitation et réparation de la part du gouvernement de Sa Majesté. Avec son frère et sa femme, il intente un procès à Scotland Yard, au FBI et au procureur général. Après une longue et âpre bataille judiciaire de huit années, ils obtiennent gain de cause, à la hauteur des préjudices subis. Lotfi Raïssi n'est cependant pas au bout de ses peines. Il ne peut circuler librement qu'entre l'Algérie et la Grande-Bretagne. En dépit des jugements rendus en sa faveur à six reprises par la Cour suprême du Royaume-Uni, les USA ont maintenu le mandat d'arrêt international contre lui. Il garde toutefois espoir : le gouvernement algérien a engagé récemment une demande de retrait de ce mandat. Hakim Arabdiou Lotfi Raïssi. «Le 20e kamikaze n'a jamais existé : histoire d'une manipulation des services secrets américains et anglais». Ed. Jacob-Duvernet, Paris, 2011