L'ancien président français, Jacques Chirac, vient de publier le second tome de ses mémoires. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, l'ouvrage – dont 12 000 exemplaires ont été déjà vendus en France en à peine deux jours – regorge de petites informations sur les relations algéro-françaises durant la période allant de 1995 à 2007. Ce livre est intéressant en ce sens qu'il apporte surtout un éclairage sur le regard porté par une partie de la droite française sur la crise algérienne des années 1990 et la manière avec laquelle celle-ci a eu à gérer les dommages collatéraux qui en ont découlé (attentats de 1995, assassinat de cheikh Sahraoui, exécution des moines de Tibhirine, etc.) Mais sans plus ! Ceux qui attendaient de grandes révélations, ou ce que l'on pourrait appeler des scoops, resteront donc sur leur faim tant, effectivement, ces mémoires ne font que revisiter des lieux déjà connus. Bien évidemment, Chirac ne fait pas de l'Algérie un sujet central. Son témoignage avait certainement d'autres objectifs que celui de traiter du dossier Algérie. S'il en a parlé, c'est probablement parce qu'il a eu l'idée de se présenter comme celui qui aura réussi, ou presque, à relancer les relations algéro-françaises. Le prédécesseur de Nicolas Sarkozy reconnaît tout de même que la «réconciliation» entre l'Algérie et la France n'aurait pas été possible sans le concours du président Bouteflika, un dirigeant qu'il n'hésite d'ailleurs pas à encenser. Plus que de correspondre à un simple calcul politique, l'initiative prise par Chirac et Bouteflika de sortir les relations bilatérales de la zone de turbulences dans laquelle elles se trouvaient avant leur arrivée au pouvoir paraît ainsi avoir surtout été guidée par leur conviction profonde que l'Algérie et la France avaient tout à gagner à construire ensemble l'avenir et leur souci de répondre à «l'aspiration des deux peuples à vivre côte à côte, dans la paix, la confiance et le respect mutuel». C'est ce qui sera d'ailleurs entrepris. A ce propos, Jacques Chirac a rappelé tout l'attachement qu'il ressent à l'égard de l'Algérie et le plaisir qu'il a éprouvé à chacune de ses visites à Alger. Les choses allaient tellement bien que les deux chefs d'Etat avaient décidé de couronner le rapprochement algéro-français par la conclusion d'un traité d'amitié. Cela ne se fera pas pour des raisons que tout le monde connaît aujourd'hui. L'ancien président français reviendra quand même sur cet épisode qui sera à l'origine d'une crise entre les deux pays. Sauf erreur, c'est sans doute pour la première fois que Jacques Chirac évoque personnellement la «raison principale» (ce n'est pas la seule, ndlr) qui a fait capoter ce projet de traité d'amitié. Au-delà du poids supposé ou avéré des lobbies «anti-algériens» ou des nostalgiques de l'«Algérie française» dans la définition de la politique algérienne de la France, il se révèle aujourd'hui que Jacques Chirac n'était pas prêt aussi à condamner le crimes commis en Algérie par le colonialisme français ainsi que l'avait souhaité son homologue algérien (sur cette question précise, Nicolas Sarkozy fera d'ailleurs nettement mieux). Et si, dans le fond, M. Chirac a parfaitement raison de souligner le fait qu'une amitié sincère peut aisément se passer d'un traité, il n'est également pas faux de dire que dans le cas particulier de l'Algérie et de la France, les choses iront infiniment mieux lorsque le poids du passé se fera moins pesant… d'un côté comme de l'autre de la Méditerranée. Dans tous les cas, l'histoire regorge de nombreux exemples qui prouvent à souhait que rien ne peut se faire sans courage politique.