La clôture des comptes de l'exercice 2010 restera gravée dans la mémoire des gestionnaires, dirigeants d'entreprises et surtout des comptables d'entreprises, tant internes qu'externes, tant le calendrier de cette année est chargé en matière d'arrêtés de comptes. Au final, les reports de délai accordés par l'administration fiscale et par l'administration du CNRC(1) ne font que superposer des obligations sur un calendrier qui s'avère des plus lourds. L'année 2010 est l'exercice de première application du Système Comptable Financier (SCF) et tous ceux qui ont croisé cette nouvelle loi comptable, qu'ils soient préparateurs ou utilisateurs, admettront que nonobstant ce que les formations ont pu démystifier de la matière, il reste encore beaucoup à assimiler et à maîtriser pour aboutir à la fameuse notion d'image fidèle des états financiers. Accordons-nous à énoncer que cette première application n'est pas un exercice facile et qu'elle est loin d'avoir résolu l'ensemble des sujets. Mais comme les journées n'ont pas plus de vingt quatre heures, les années pas plus de douze mois, les délais d'arrêté et de publication de comptes ne sont extensibles que si les textes le permettent. C'est justement ce que la Direction générale des impôts a fait en mars dernier en publiant un communiqué selon lequel les contribuables relevant respectivement de l'impôt sur le revenu global (IRG) dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (régime du réel) et de l'impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS), bénéficient d'un délai de souscription de la déclaration annuelle de résultat prorogé au 30 juin 2011 (au lieu du 30 avril 2011). Le délai est fixé par la loi fiscale au 30 avril, mais la direction générale des impôts a pris en considération les différentes demandes d'extension de délai, dans le contexte de la première application du SCF, la nouvelle loi comptable algérienne. De son côté l'administration du CNRC vient de publier un communiqué selon lequel le dépôt des comptes sociaux est reporté du 31 juillet 2011 au 31 août 2011. Voici donc deux prorogations de délais qui peuvent paraitre complémentaires, mais qui une fois alignées sur un calendrier trouvent des difficultés d'application. L'administration fiscale a souvent recouru à des extensions de délai Le délai de remise de la déclaration annuelle pour les sociétés, souvent désignée comme ‘bilan fiscal' obéit aux dispositions de l'article 151 du code des impôts directs qui précise que les contribuables concernés sont tenus de souscrire, au plus tard le 30 avril de chaque année auprès de l'inspecteur des impôts directs du lieu d'implantation du siège social ou de l'établissement principal, une déclaration du montant du bénéfice imposable de l'entreprise, se rapportant à l'exercice précédent. La même déclaration doit être produite en cas de déficit dans les mêmes délais. Le communiqué de la Direction générale des Impôts du mois de mars 2011 a été établi sur la base des dispositions du second alinéa de l'article 151 du code des impôts directs qui prévoit qu'en cas de force majeure, le délai de production de la déclaration annuelle peut être prorogé par décision du directeur général des impôts, sans que cette prorogation n'excède trois mois. La situation vécue pour la déclaration annuelle 2011/2010 est celle d'une prorogation généralisée, mais la disposition s'applique également aux prorogations accordées au cas par cas. Le troisième alinéa du même article prévoit que dans les vingt et un jours qui suivent l'expiration du délai légal prévu par le code du commerce pour la tenue de l'assemblée générale ordinaire, les sociétés soumises au contrôle d'un commissaire aux comptes, peuvent souscrire une déclaration rectificative, en y joignant dans le même délai, les documents, en leur forme réglementaire, qui fondent la rectification, notamment le procès-verbal de l'assemblée et le rapport du commissaire aux comptes. A titre d'exemple une société qui aurait souscrit à l'obligation de remise de sa déclaration annuelle au titre de l'IBS le 30 avril, serait fondée à soumettre une déclaration rectificative au plus tard 21 juillet, si lors de son assemblée générale tenue le 30 juin, les comptes définitifs venaient à être rectifiés, sur la base d'ajustements recommandés par le(s) commissaire(s) aux comptes, avec prise d'acte par l'assemblé générale ordinaire tenue au plus tard le 30 juin. De nombreux dirigeants et préparateurs d'états financiers se sont interrogés sur l'effet en cascade que pouvait avoir la décision de la Direction Générale des Impôts de mars 2011, qui prorogeait le délai de remise des déclarations annuelles pour les bénéfices industriels et commerciaux au 30 juin 2011, et de penser que cela entraînerait automatiquement un délai supplémentaire pour la convocation des assemblées générales et pour la publication des comptes. Le code de commerce a ses propres dispositions en la matière Dans la stricte application de la loi commerciale, il n'en est rien puisque contrairement à la prérogative de la Direction Générale des Impôts codifiée pour les prorogations de délai, en matière fiscale, les délais pour la tenue des assemblées générales ne sont extensibles que sur ordonnance du juge et non par décision d'une administration. Si l'Assemblée générale ordinaire ne peut pas être convoquée dans le délai des six mois qui suivent la clôture de l'exercice, le Conseil d'administration ou le Directoire d'une société par actions, peut demander une prolongation de délai par ordonnance sur pied de requête de la juridiction compétente. Les gérants de Sociétés à Responsabilité Limitée sont tenus de procéder à la réunion de l'Assemblée des associés dans les six (6) mois de la clôture de l'exercice, sauf prolongation de délai n'excédant pas six (6) mois fixé par décision de justice(2). Les juges seront particulièrement sollicités cette année, et encore plus pour les deux semaines qui courent avant le 30 juin 2011. En règle générale, l'ordonnance sur pied de requête est préparée par le demandeur, ou son conseil, avec une demande motivée. Les motifs les plus couramment avancés ont trait à des situations exceptionnelles, telles que l'indisponibilité avérée des dirigeants, l'impossibilité d'arrêter les comptes ou celle de réunir les associés et actionnaires. Le refus du juge, rare en pratique, mais qui n'est pas à exclure, met la société dans une situation délicate, car il faut au moins convoquer l'assemblée générale ordinaire dans les délais, quitte à réunir l'assemblée en plusieurs sessions pour statuer ultérieurement. Cette pratique étendue n'est pas prévue par la loi. Elle n'est pas pour autant interdite, mais la date limite des trente jours qui suivent la date de l'approbation des comptes, pour la publication des comptes, conduit forcément au 30 juillet(3). La publication des comptes sociaux de 2010 est prorogée au 31 août 2011 Tel en a disposé le CNRC dans un récent communiqué. Ce communiqué précise que ‘pour permettre la facilitation du dépôt légal des comptes sociaux' par les opérateurs économiques concernés, le dépôt légal des comptes sociaux est reporté du 31 juillet 2011 au 31 août 2011. Il ne faut pas se réjouir rapidement de cette disposition car le motif avancé par le CNRC n'est pas mis dans le contexte de l'application de la nouvelle loi comptable et de façon subséquente du report de délai décidé par l'administration fiscale. L'administration du CNRC donne tout simplement plus de temps aux entreprises concernées, sans doute pour donner plus de chances aux entreprises qui ont été défaillantes à ce jour. Il reste que le communiqué est publié dans des circonstances où les gestionnaires espéraient qu'on leur exprime formellement un report de délai pour les Assemblées Générales. Les légalistes argumenteront, sur ce sujet, que le code de commerce ayant prévu la prorogation de délai par décision de justice, il suffit de s'y conformer. D'ailleurs le même communiqué du CNRC précise que ‘les opérateurs économiques ne sont pas dispensés des autres formalités obligatoires prévues par la législation en vigueur.' Le code de commerce(4) prévoit que les comptes sociaux font l'objet, dans le mois qui suit leur adoption par l'assemblée générale, d'un dépôt au centre national du registre de commerce (CNRC), ledit dépôt valant publicité. Il reste que le report de délai de la publication des comptes sera inopérant, car dès lors que d'un point de vue légal, l'assemblée générale ordinaire doit se tenir dans les six mois qui suivent la clôture des comptes – sauf report de délai par décision de justice – le mois supplémentaire jusqu'à la fin du mois d'août 2011 ne sera que pour permettre de constituer le dossier de dépôt des comptes sociaux, y compris les traductions en langue nationale. Il faudra donc se garder de faire référence à des dates de tenue d'assemblées postérieures au 30 juin 2011, au motif que les comptes sociaux sont publiés dans le mois qui suit leur approbation, à moins que le CNRC n'accepte des procès verbaux d'assemblée tenue en première session convoquée avant le 30 juin 2011, et statuant en seconde session après cette date, mais toujours dans le mois précédant la date limite de publication des comptes sociaux de 2010.(5) L'autre solution serait de ‘courir' et recourir à la juridiction de proximité pour demander la prorogation de délai prévue par le code de commerce. Les arguments ne manquent pas, particulièrement celui des difficultés d'application de la nouvelle loi comptable, y compris celles rencontrées par certains éditeurs de logiciels comptables non encore livrés et pourquoi pas celui tenant au récent communiqué du CNRC. Il reste encore deux semaines pour que la Chancellerie(6) soit sensibilisée et que les magistrats comprennent combien une prorogation de délai sera salutaire à certains chefs d'entreprises.
Samir Hadj Ali. Expert-comptable -(1)Centre national du registre du commerce. -(2)Notre contribution au Suppeco du 6 juin 2011 : Réussir votre assemblée générale. -(3)Le CNRC admet le 31 juillet comme date limite. -(4)Article 717 - 3e alinéa du code de commerce -(5)31 août 2011. -(6)Administration centrale du ministère de la Justice.