Misant leur survie sur les seules perspectives de partenariat ou de cession au profit de repreneurs privés, les entreprises publiques du secteur de l'agroalimentaire font aujourd'hui les frais d'un désinvestissement de l'Etat propriétaire. Livrées, pour la plupart, à d'insurmontables difficultés de trésorerie, ces entreprises, qui furent dans un passé récent leader sur leur marché, se voient aujourd'hui cataloguées parmi les entités économiques publiques « naviguant à vau-l'eau ». Du coup, ce sont quelque 70 000 travailleurs du secteur de l'agroalimentaire qui tentent actuellement de faire face à la menace d'un dégraissage massif. Pourtant, aux yeux des représentants de la Fédération nationale des travailleurs de l'industrie de l'agroalimentaire (FNTIAA), syndicat affilié à l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), le secteur public de l'agroalimentaire ne semble guère être aussi irrécupérable qu'on veuille le faire croire. S'il est vrai que les entités étatiques de l'agroalimentaire accusent d'importants découverts bancaires, il est d'autant vrai, proteste-t-on du côté de la FNTIAA, que ce même découvert représente à peine quelque 30% de l'encours des créances que ce secteur se doit de récupérer. En effet, soutiennent les représentants de l'UGTA, les entreprises publiques de l'agroalimentaire comptabilisent au total quelque 6 milliards de dollars de créances, détenues en grande partie sur certaines entreprises dissoutes, à l'image de l'Edipal, Enepal et des ex-Galeries algériennes. La situation de l'Entreprise nationale des corps gras (ENCG) constitue en ce sens un cas éloquent. Alors qu'elle détient, selon ses responsables, un montant de 4 millions de dinars de créances sur certaines entreprises, l'ENCG, dont les 3500 travailleurs risquent de perdre leurs emplois, se trouve privée des concours bancaires nécessaires au financement de ses approvisionnements en matières premières. Pourtant, dénonce le syndicat de cette entreprise, « l'ENCG a déjà été saignée de 30 milliards de dinars en frais financiers et pertes de change durant ces 10 dernières années ». Et de considérer ainsi comme injustifié le maintien de l'endettement financier de l'entreprise, évalué à 20 milliards de dinars. Le syndicat estime au demeurant que « si la responsabilité de l'entreprise reste pleinement engagée sur l'importance des créances détenues sur le secteur privé, celle des pouvoirs publics l'est d'autant plus au regard de sa non-intervention dans le cadre prévu par la loi quant aux créances détenues sur les entreprises dissoutes (EDIPAL, Aswak, etc.) et celles en difficulté, à l'exemple de l'Ena sucre ». Imputant la déliquescence du secteur public de l'agroalimentaire au désinvestissement total dont fait montre l'Etat propriétaire, les syndicalistes de diverses entreprises évoquent au demeurant des velléités de bradage, mais aussi une volonté de transfert de monopole au profit de certains intervenants du secteur privé. Favorisé par la générosité des avantages fiscaux concédés par les pouvoirs publics, le secteur privé de l'agroalimentaire compte actuellement quelques 10 000 unités dont la majorité sont des PME. Livré à une telle concurrence, tout en traînant le poids des contraintes inhérentes au désinvestissement et à la vétusté de son outil de production, le secteur public a vu ses parts de marché reculer de 80% à seulement 30%, en conséquence de l'ouverture du marché aux capitaux privés. Le marché de l'agroalimentaire ayant connu une aussi profonde mutation, l'ultime enjeu qui reste à défendre au sein du secteur public semble se limiter en somme à la seule préoccupation de préserver l'emploi.