Un calme prudent régnait, hier matin, à la cité Daksi Abdeslem, dans la banlieue nord de Constantine, après les émeutes de lundi. Alors que les services d'entretien de la commune s'affairaient à dégager la chaussée et à réparer les dégâts au carrefour sis à proximité de la clinique rénale, les traces des incendies et les débris de baraquements de fortune détruits sont toujours présents au marché de la cité Daksi. Un important dispositif de sécurité a été déployé dès les premières heures de la matinée pour prévenir tout dérapage. Une tentative d'installer des barricades par des jeunes manifestants sera vite avortée. Parmi les commerçants touchés par l'évacuation, rencontrés sur site, certains cachent mal leur colère et s'estiment lésés, car ils ne figurent pas sur la liste de ceux qui devront bénéficier de locaux. Des pères de famille au chômage, dont les marchandises ont été endommagées par les flammes, avouent ne pas comprendre la décision des autorités, d'autant plus qu'on leur a promis, selon leurs propos, de reporter l'opération après l'Aïd El Adha. « On ne nous a même pas laissé le temps de prendre nos dispositions, surtout qu'on a investi des sommes importantes en prévision de l'Aïd », affirme un commerçant. « Je suis père de quatre enfants et je viens de perdre mon gagne-pain », martèle un ancien travailleur d'une entreprise de wilaya, liquidée il y a trois ans. Les concernés dénoncent surtout le fait qu'ils ne sont pas traités de la même sorte que les commerçants évacués du souterrain du centre-ville, depuis une dizaine de jours, et qui ont bénéficié en contrepartie de locaux au centre commercial du site du Polygone. Rappelons que plus de 700 commerçants activent depuis plusieurs années au marché de la cité Daksi, sans compter les autres services inévitables, tels les gargottes et les pizzerias, alors que le site sert aussi à écouler tous les produits vestimentaires fabriqués dans les dizaines d'ateliers clandestins de couture qui pullulent dans les quartiers populaires et qui échappent à toute forme de contrôle. C'est dire l'importance du lieu que l'APC de Constantine compte rentabiliser en réglementant une activité qui pourra être une source appréciable de revenus pour la commune. Les commerçants informels de la cité Daksi n'en sont pas à leur première révolte, puisque des émeutes ont eu lieu en août dernier, après une opération coup-de-poing menée contre les vendeurs ambulants installés aux abords de la clinique rénale. Les événements de lundi dernier, qui révèlent un malaise social profond dans une ville marquée depuis des années par une anarchie totale, conjuguée à un immobilisme des autorités, demeurent les plus violents. Les bilans officiels des services de sécurité avancent le chiffre de vingt-quatre blessés dans les rangs des agents de l'ordre dont quatre sont dans un état jugé sérieux, alors qu'on enregistre deux blessés parmi les manifestants. Par ailleurs, 65 personnes, dont 19 mineurs, ont été présentées hier au parquet du tribunal de Ziadia. Selon leurs avocats, ces derniers risquent d'être mis sous mandat de dépôt pour troubles à l'ordre public et destruction des biens de l'Etat. Une foule nombreuse constituée des familles des accusés était présente hier au tribunal de Ziadia jusque tard dans la nuit, alors qu'on apprend que les mis en cause seront probablement jugés samedi prochain.