Le traumatisme des habitants est à la mesure de la brutalité de l'assaut donné par les forces de l'ordre dans la nuit de mercredi à jeudi. La cité Bois des Pins est en émoi. Ses 5000 locataires ne sont pas prêts à se remettre de leur cauchemar de jeudi matin. Depuis des semaines que dure le conflit ayant trait à la construction d'un parking au cœur de la cité, c'est la première fois que les affrontements connaissent cette violence.Le bilan est de 27 blessés dans «les rangs» des citoyens. En sus, il a été enregistré deux arrestations : celles du journaliste Abdelghani Henni, 62 ans, auquel il a été prodigué 32 points de suture, ainsi que celle de Tewfik, la vingtaine. «Ils sont en grève de la faim», affirme Mohamed, un riverain. Il est plus de 14h, en ce vendredi, aux abords des immeubles de la cité. Une dizaine d'hommes s'activent, occupés à déblayer les gravats et les tessons qui jonchent le sol. «Nous sommes encore sous le choc», lance Saïd, la soixantaine. Leur traumatisme est à la mesure de la brutalité de l'assaut donné par les forces de l'ordre dans la nuit de mercredi à jeudi. Et tout peut témoigner de cette violence : vitres brisées, portes défoncées, balles en caoutchouc, douilles de balles réelles, briques et autres projectiles traînant çà et là… «Même les boîtes aux lettres n'ont pas été épargnées», commente Mohamed. «Mais qu'attendre d'autre puisque même les femmes ont été prises pour cibles ?» s'indigne un père de famille. «Ils ont déshabillé une voisine sous prétexte de la fouiller, ici même, devant la cage», poursuit-il en montrant le préau donnant sur Bois des Pins, aujourd'hui chantier poussiéreux. «Ils voulaient s'en prendre aux femmes de la cité» De nombreuses femmes et jeunes filles frissonnent encore à l'évocation de ces quelques heures. «Nous étions seules à la maison. Trois femmes et notre grand-mère, âgée de 92 ans», relate, au bord des larmes, Feriel. Sur la porte d'entrée de son logement, de larges traces noires, des empreintes de semelles. «Porte blindée. Ils n'ont pas pu la défoncer facilement», explique-t-elle. «Très tôt le matin, nous avons entendu du boucan sur le seuil. Puis le bruit de rangers qui s'acharnaient sur notre porte. D'un coup, une vingtaine de policiers ont envahi le salon, puis les chambres», poursuit la jeune fille, blême. «Ma grand-mère a tenté de s'interposer, mais ils l'ont violemment empoignée et ils l'ont poussée dans la salle de bains. Regardez, la machine à laver garde encore les traces de l'impact», s'emporte-t-elle en montrant la crevasse qui parcourt l'appareil. Puis les insultes et les menaces ont fusé. «En vitupérant, ils ont fouillé de fond en comble les chambres à la recherche de garçons. Puis quelques-uns ont menacé de nous frapper», raconte Feriel. Elle s'interrompt, s'éclaircit la gorge et ajoute : «Ils ont juré de violer toutes les femmes de la cité.» Et les récits similaires, rapportant de telles intimidations, sont légion. «Des dons Quichottes qui n'ont rien à perdre» L'indignation et la colère sont à leur paroxysme. Réunis dans l'appartement de Saïd, une dizaine de riverains discutent avec animation. D'autant plus qu'une invitée de marque siège à leurs côtés : la moudjahida Fettouma Ouzegane. En compagnie d'autres moudjahidate, elle apporte un soutien appuyé à la cause des habitants de Bois des Pins. «Ils ont déjà bradé toute l'Algérie. Et nous ne les laisserons pas spolier ces 10 000 m⊃2;. Nous sommes tous là et nous sommes décidés à aller au pire. Nous leur donnons 10 jours pour se rétracter et laisser ces honnêtes citoyens en paix», martèle la moudjahida. Et les habitants se disent près à aller jusqu'au bout pour défendre leur parcelle de richesse. «Nous mourrons pour cette forêt !», s'époumone l'un d'eux. «Nous vivons en situation de guerre. Et même si nous sommes des dons Quichottes, nous ne lâcherons rien», conclut son voisin.