Groupe mythique des années 1980, Debza, garde tant bien que mal sa force de frappe. Après une mise en veilleuse qui a duré une vingtaine d'années, il tente de revenir sur la scène sans sacrifier la moindre parcelle de ses principes. Contestataire plus que jamais, le groupe était sur scène à l'esplanade de la maison de la culture de Béjaïa, depuis la mi-août, face à un public où les nostalgiques des Allez-y, allez-y, El Hamla, S'fina, Wach qarawek fi l'école ya wlidi ? (Qu'est-ce qu'ils t'ont appris à l'école mon fils ?), et autres titres militants se sont mêlés à une jeune génération qui n'est pas forcément toute désintéressée. Il faudra cependant à Merzouk Hemiane, l'un des anciens membres du groupe, en tenue d'un quidam, d'expliquer au public jeune l'origine du nom de «Debza» qui est inspiré des textes de Kateb Yacine. Depuis ses premiers pas à l'université de Ben Aknoun et l'enregistrement d'une première cassette en 1986, puis une deuxième en 1989, Debza s'est éclipsé depuis 1990. Un dernier gala en octobre 1990 à la salle Atlas et puis rien. Il aura fallu attendre 2010 pour le voir renaître et présenter un troisième produit toujours aussi contestataire. Il y chante El Khobza (le pain), l'école, octobre, Ghoudwa (demain), Chkoun fina mas'oul (qui de nous est responsable)… Dans ses rares apparitions, le groupe reprend ses anciens titres mais aussi des inédits qui forcent l'attention. Plus que l'attention, Hata yaskout ennidham (jusqu'à ce que tombe le système) est le titre d'une chanson qui secoue les esprits. Elle est écrite et interprétée, pour la première fois pendant la soirée de Béjaïa, par Mahmoud Rachedi qui n'est autre que le frère de M'hamed Rachedi, le seul arabophone, faut-il le noter, parmi les prisonniers du Printemps berbère de 1980. Pas moins de sept membres de Debza ont été emprisonnés en 1980 et 1981 pour avoir assumé des positions qui ont dérangé le système. Hata yaskout ennidham Hata yaskout ennidham sonne comme un «entêtement». Un hymne à la résistance. La chanson reprend comme une revendication le slogan militant qui fait toujours bouger la rue arabe. Au même chapitre des inédits figurent aussi Khalset legwal mais aussi un hommage que Debza rend au défunt Larbi, l'un de ses membres qui s'est suicidé il y a quelques mois : «Ya l'bourgeoisie ya moul l'mal/chari aâzou hema oua dlal b lekmal». Les membres du groupe rendent aussi un hommage au défunt Redouane Osmane, dans une chanson inédite qu'ils ont interprétée dans la soirée du 14 août, au théâtre Malek Bouguermouh de Béjaïa. Chemin faisant, Debza a perdu beaucoup de ses membres fondateurs, certains ne sont plus de ce monde, d'autres ont préféré se retirer : les Ourad, Djamel Zenati, Mustapha Bacha, Osmane Redouane,… Le groupe se présente avec une composante en renouvellement mais demeurent toujours d'anciens noms. «Il y a des membres qui sont absents pour cette soirée mais le noyau demeure. Les portes restent ouvertes pour les jeunes, ils sont les bienvenus s'ils peuvent apporter un plus et aller de l'avant», nous dit Merzouk Hemiane à la fin du gala du groupe à l'esplanade de la maison de la culture. Des scènes au programme ? «Les portes nous sont fermées. Des ordres sont même donnés pour qu'on ne nous laisse pas nous produire. Nous n'ouvrons pas le droit à un programme. Nos quelques galas, c'est grâce à des connaissances. Demander au CCI ou à l'ONCI de nous programmer est une cause perdue d'avance», se confie à nous Merzouk Hemiane, non moins confrère. La soirée du 13 août, il a fallu attendre minuit pour voir le groupe enfin monter sur scène, pour une prestation qui a été «écourtée». Les textes de Debza dérangent toujours ? «Pas seulement, notre passé et nos positions aussi», répond notre interlocuteur. Mais le groupe n'en démord pas. La preuve ? Debza est sur le projet d'un quatrième produit, le poing toujours levé.