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Davantage «un rattrapage qu'une amélioration du pouvoir d'achat»
Kouider Boutaleb. Professeur d'économie
Publié dans El Watan le 12 - 09 - 2011

-On entend beaucoup parler de l'érosion du pourvoir d'achat en Algérie. Y a-t-il des éléments qui permettent de l'attester ou de réfuter ces propos ?
Réfuter l'érosion du pouvoir d'achat, c'est dire que l'évolution des salaires nominaux a été plus importante que le taux d'inflation. Affirmer le contraire c'est attester cette érosion.Pour pouvoir affirmer ou infirmer ces postions, il faudrait disposer de statistiques fiables sur la distribution des revenus et sur le calcul des taux d'inflation. Or, les statistiques en matière de salaires sont assez complexes et posent beaucoup de problèmes pour leur élaboration, c'est ce qui explique sans doute leur indisponibilité dans beaucoup de pays non outillés suffisamment pour leur traitement, comme l'Algérie, qui ne procède pas encore à des enquêtes régulières.
Les données relatives aux salaires demeurent par conséquent incomplètes et peu nombreuses. Une autre question se pose, celle liée à la fiabilité de ces données statistiques. Il y a un problème d'écart entre la mesure statistique des réalités socioéconomiques et la perception de ces mêmes réalités par les citoyens. En matière de répartition des revenus, le PIB ou tout autre agrégat calculé par habitant peut ne pas fournir une évaluation appropriée de la situation dans laquelle la plupart des gens se trouvent.
Ceci étant, la question de l'érosion du pouvoir d'achat est diversement appréciée sur la base des données disponibles. Concernant les salaires nominaux, ils sont augmentés pratiquement pour toutes les catégories socioprofessionnelles. Les appréciations sont beaucoup plus controversées s'agissant de l'inflation. Pour de multiples raisons, notamment celle liée aux caractéristiques de l'enquête de consommation, sur la base de laquelle l'IPC (indice des prix à la consommation) est établi. Cet indice ne reflète pas toujours de manière exacte l'évolution des prix de tous les biens et services commercialisés.
Rappelons les chiffres officiels publiés par l'ONS : le taux d'inflation est passé de 1,38 % en 2005 à 5,74% en 2009 et 5,4% pour les 6 premiers mois de 2010. Pour l'année 2011 «l'inflation ne devrait pas dépasser les 4% en 2011», selon les déclarations du ministre des Finances. Ces chiffres sont toutefois contestés.
Si on se fie à ces statistiques, on remarquerait qu'en moyenne les augmentations cumulées des salaires nominaux ont été supérieures aux taux d'inflation. Il faudrait préciser que cette moyenne cache des différences de situation importantes parmi les catégories socioprofessionnelles qui ne bénéficient pas des mêmes niveaux d'augmentation des salaires.
-Mais les récentes augmentations de salaire sont considérées plutôt comme un rattrapage qu'une hausse pouvant relever le niveau de vie…
Certes, il y a eu des augmentations de salaire durant cette dernière décennie, le SNMG algérien a plus que doublé en passant de 6000 à 15 000 DA, mais les travaux qui ont pu être effectués ont évalué cette augmentation (qui a consisté en des rattrapages) à une amélioration de 1% du pouvoir d'achat des salariés, ce qui est bien évidemment insuffisant pour rattraper la perte de 3% de ce même pouvoir d'achat enregistré durant la période 1990-1998 comme l'ont relevé beaucoup d'observateur de l'actualité économique.
Il s'agirait donc en moyenne beaucoup plus d'un rattrapage que d'une amélioration du pouvoir d'achat même si beaucoup estime sur la base d'enquêtes qualitatives sur les signes extérieurs d'amélioration du bien être (diversification de la consommation des ménages, possession de voitures particulières, paraboles…) qu'on ne peut occulter l'effet d'une augmentation du pouvoir d'achat des ménages.
-Dans ce cas, le relèvement durable du pouvoir d'achat de quoi est-il tributaire ?
Il n'existe certainement pas de système idéal, ni en théorie ni en pratique, chaque pays tente de répondre à cette problématique en respectant d'abord les principes de base de stabilité sociale, d'efficience économique et d'équité.
Certes, beaucoup estiment que l'aisance financière, dont bénéficie aujourd'hui le pays, permet de procéder à une amélioration du pouvoir d'achat, nécessaire au demeurant, cependant beaucoup pensent aussi qu'il faudrait s'inscrire résolument dans une perspective de partage des gains de productivité et non de rente pétrolière.
Il est en effet suffisamment admis que les hausses de salaire ont un caractère inflationniste dès lors qu'elles excèdent les gains de productivité d'une part ; elles ont tendance à se détruire elles-mêmes par l'effet dépressif qu'elles exercent sur l'emploi d'autre part, car les entreprises, l'économie nationale, ne peuvent supporter indéfiniment une forte divergence entre les progrès de la productivité et ceux des coûts salariaux, à moins de répercuter ces derniers dans leurs prix de vente, mais alors, c'est le «retour à la case de départ», en sachant que ce sont les titulaires de revenus fixes (les plus pauvres notamment) qui souffrent le plus du phénomène inflationniste. Il faudrait pour cela rompre avec la relation de forte dépendance du pays vis-à-vis des hydrocarbures, diversifier son économie, renforcer les structures productives.


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