Mais l'enthousiasme du public et l'excellent choix des films du nouveau directeur Marco Muller en font oublier les inconvénients. Des films grand public venus d'Amérique, présentés en présence des stars comme Robert de Niro, Tom Hanks, Nicole Kidman, Will Smith, Angelina Jolie, Denzel Washington... Et des films d'auteurs comme celui de Mira Naïr : Vanity Fair, une œuvre absolument splendide qui vaudra sans doute à la cinéaste indienne une présence au palmarès (le jury est présidé par John Boorman, avec Spike Lee notamment, tandis que le jury « première œuvre » est présidé par Youssef Chahine). Mira Naïr n'est pas à sa première perle au Lido, puisque en 2001 elle a décroché le Lion d'or de la 58e Mostra. Vanity Fair est une nouvelle adaptation cinématographique d'un roman classique du XIXe siècle de William Makepeace Tackeray. Une jeune femme excentrique est déterminée à conquérir une place dans la haute société anglaise. L'archétype même de l'héroïne, qui, par vanité, n'a pas froid aux yeux et ne recule devant rien. Vanitas, vanitatum ! Une partie de Vanity Fair se déroule dans la cité de Jodhpur, en Inde, dans le palais du Maharaja Gaj Singh, et c'est la partie la plus séduisante, la plus sensuelle de toute cette œuvre originale et passionnante. Autre œuvre stimulante d'un cinéaste russe (moldave) à contre-courant et qui fait figure d'auteur : Nastroyschik, de Kira Muratova. Le héros du film est un réparateur de piano qui tombe amoureux d'une belle femme beaucoup plus riche que lui : une intrigue à rebondissement ingénieusement mise en scène : jusqu'où ira le jeune homme pour assouvir sa passion et conquérir son amour ? Kira Muratova a de qui tenir puisqu'elle a étudié au très fameux VGIK de Moscou, avec, comme professeur, le cinéaste légendaire Sergei Gerasimov. Le programme de la Mostra de Venise s'appuie aussi sur beaucoup d'œuvres venues d'Asie. Films du Japon, de Hong Kong, de Canton, de Corée du Sud. Marco Muller, sociologue réputé autant que cinéphile, est le meilleur connaisseur du cinéma d'Asie (une fois, à Turin, il a présenté 135 films d'Asie d'un coup !). Les projections et les fêtes au Lido se poursuivent à un rythme effréné. Lorsqu'on a une matinée libre, on prend le premier bateau pour aller visiter au musée Correr la grande exposition dédiée à Turner. Entre 1820 et 1840, Turner a séjourné fréquemment à Venise et peint ses merveilleuses toiles, frappées par la grande mélancolie des paysages de cette cité historique.