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Une filière minée par l'informel
Boissons gazeuses et jus de fruits
Publié dans El Watan le 08 - 11 - 2011

Il y a une multitude de marques, dont beaucoup sont méconnues. Je fais toujours attention lorsque j'achète des jus de fruits sur le marché ! Il y va de la santé de mes enfants.»
Mohamed, fonctionnaire de son état, ne manque pas d'exprimer une crainte légitime quant à la qualité souvent douteuse de certaines boissons commercialisées. Comme lui, face à la multiplication de boissons gazeuses et de jus de fruits commercialisés, des milliers de consommateurs ont l'embarras du «choix». Pas forcément de bon goût, ce choix peut paraître périlleux. En Algérie, le marché des boissons gazeuses et jus de fruits est alimenté par des producteurs illégaux, déplore Ali Hamani, président de l'Association des producteurs algériens de boissons (APAB). Ces contrefacteurs interviennent dans la production de jus de fruits et de boissons gazeuses sans aucun respect des normes d'hygiène, ajoute-t-il. Nombre de faux producteurs ne se gênent pas d'utiliser additifs, colorants et autres composants nocifs pour la santé. A titre d'exemple, on évoque l'utilisation du sulfate et de l'aspartame dans la confection de boissons, à défaut de sucre ordinairement utilisé dans la production de certaines boissons, ou aussi l'utilisation des gaz non-alimentaires dans la production des boissons gazeuses. Du coup, «beaucoup de commerçants sont en train de vendre des maladies», s'inquiète M. Hamani.
Laxisme
Si le marché des boissons souffre d'une absence flagrante de régulation, le président de l'APAB jette la pierre aux autorités. «L'Office national des statistiques a lancé une opération pour calculer le nombre de commerçants. Qu'on arrête de se foutre de la gueule des gens ! Qu'est-ce qui empêche deux ministères de se mettre autour d'une table et de dire qu'est-ce que nous avons comme industriels inscrits au registre du commerce et qu'est-ce que nous avons comme industriels qui payent les impôts qui sont recensés aux services des impôts ?», s'interroge-t-il, en dénonçant le «laxisme» du gouvernement à lutter contre ce phénomène. «Les pouvoirs publics refusent de s'attaquer à l'informel par ce que c'est le seul secteur pourvoyeur d'emplois en Algérie. C'est clair et net. C'est le prétexte que le gouvernement brandit pour se justifier. Entre-temps, le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur», prévient-il.
Vide juridique
La multiplication des pratiques frauduleuses trouve également son origine, selon le patron de l'APAB, dans l'existence d'un vide juridique relatif à la dénomination des produits de la filière des jus.
On déplore l'absence d'une segmentation franche entre ce qui est du pur jus obtenu à partir de fruits ou de jus de fruits concentré ou du nectar de fruit et les boissons plates comme les boissons fruitées, aromatisées ou encore énergétiques. «Il n'y a pas un encadrement juridique clairement affiché pour dire à certains producteurs, voilà les appellations, comme cela a été fait pour les eaux minérales et eaux de sources ! Pour cette filière, nous avons une définition et des classifications. C'est ce que nous devons faire pour les jus de fruits, les nectars et l'eau aromatisée», exige M. Hamani.
Sinon, c'est la porte ouverte à tous types de dépassements. «On continue de constater sur le marché que certains producteurs utilisent des appellations qui sont une tromperie vis-à-vis du consommateur. Par exemple, pour qu'un producteur puisse dénommer un produit comme un jus de fruits, il y a des règles comme l'exigence de l'existence d'un minimum de 25% de véritable jus de fruit ! Si vous faites des analyses, c'est de l'eau aromatisée ! Le consommateur n'a pas les moyens de contrôler cela», confesse-t-il.
Les chiffres de la discorde
Sur les 1647 producteurs inscrits au Centre national du registre du commerce, il y aurait uniquement entre 500 et 600 opérateurs spécialisés dans la production des jus de fruits et des boissons gazeuses, selon les chiffres de l'APAB. Le reste agissant dans l'informel. Cela dit, L'association n'est pas encore outillée pour communiquer des chiffres précis sur le phénomène de l'informel. M. Hamani relève ce qu'il qualifie de «paradoxe» dans les statistiques du CNRC. «Une société de type Eurl, Spa ou Sarl est dans l'obligation de publier ses comptes sociaux. Par contre, une société inscrite en tant que personne physique n'est pas obligée de le faire. C'est cela le grand paradoxe», déplore-t-il. Pour notre interlocuteur, il est urgent de lancer un véritable travail d'identification des acteurs de la filière, pour espérer nettoyer les écuries d'Augias. Pour le moment, les chiffres du CNRC suscitent la colère des professionnels de la filière. «Nous voulons savoir combien sont-ils à avoir déposé leurs comptes sociaux ? Nous voulons savoir, dans les wilayas concernées, le nombre de producteurs qui déposent leur déclaration fiscale en fin d'année», réclame-t-il. Si la croissance du marché de la boisson oscille entre 7 et 10%, il n'en reste pas moins que le marché informel constitue un frein au développement de cette industrie, selon lui. «Cette croissance est freinée par la concurrence déloyale et l'impact de l'informel. Il y a une forte demande locale, c'est pour cela qu'il y a beaucoup de faux producteurs. Si le marché était régulé, les producteurs seraient dans l'obligation d'investir pour offrir un meilleur produit ! Mais, nous sommes bloqués», estime le premier responsable de l'APAB.


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