Les sommes investies par l'Etat dans l'assainissement et la réhabilitation des industries du textile sont-elles suffisantes pour redonner vie à cette filière ? A première vue, la survie des entreprises publiques du textile dépend exclusivement du seul concours financier de l'Etat, mais en aval, le concours régulateur de l'Etat devrait se consolider par des mesures de contrôle des importations mais aussi des exportations, souvent frauduleuses, de matière première. L'exportation illégale des peaux à l'état semi-fini, à titre d'exemple, provoque de sérieuses pénuries d'approvisionnement pour les producteurs locaux, du moins pour les quelques machines qui fonctionnent encore. Selon des sources proches des opérateurs nationaux du textile, il a été recensé, cette année, un déficit d'environ 65% en matière d'approvisionnements des industries en peaux. D'après les statistiques qui nous ont été fournies par quelques opérateurs, il apparaît que les besoins en peaux brutes des tanneries publiques ne sont couverts qu'à hauteur de 35% (3000 tonnes/an sur 9200 tonnes sont couvertes localement). Même constat pour l'ovin et le caprin : sur un besoin exprimé de 1,6 million de peaux, seulement 660 000 peaux/an sont couverts par le marché domestique. A l'origine de ce déficit ne pointe aucunement une déficience en relation avec la production, mais se dévoilent en toile de fond une filière qui s'investit dans l'exportation vers l'étranger de cette matière première, au détriment des quelques industries nationales qui tentent tant bien que mal d'entretenir le textile algérien. En d'autres termes, ce sont les adeptes de l'exportation frauduleuse des peaux algériennes qui font avaler des couleuvres aux producteurs nationaux. Selon d'autres indiscrétions, les peaux algériennes sont acheminées jusqu'en l'Italie sous forme de produit semi-fini, appelé communément wet-blue. Ces exportations ne figurent aucunement sur la structure des ventes hors hydrocarbures de l'Algérie, ce qui accrédite davantage les thèses selon lesquelles une filière clandestine fait bonne chère et s'affaire depuis quelque temps à imposer sa loi dans ce créneau. Ces exportations illicites s'élèveraient à plusieurs millions d'euros, d'après certains montants avancés par des diplomates en poste à Alger. Face à cette autre réalité amère qui s'ajoute à la difficulté du textile algérien, le gouvernement semble filer du mauvais coton en œuvrant à parfaire ses enveloppes budgétaires destinées à réhabiliter les industries publiques et à la relance du secteur. Le dernier cadeau en date consistait à injecter, encore une fois, 135 milliards de dinars (2 milliards de dollars) pour sa relance. Faut-il rappeler également que le gouvernement a tenté, par le biais de la loi de finances complémentaires pour 2009, de suspendre les exportations de peaux à l'état brut. Cependant, cette mesure a été vite contournée et les opérateurs se sont acclimatés à cette nouvelle condition en se mettant à exporter ces peaux dans un état dit semi-fini.