Le Parti justice et développement (PJD) a, comme attendu, gagné haut la main les élections législatives marocaines. Bien que les résultats communiqués hier par le ministre de l'Intérieur, Tayeb El Cherkaoui, soient partiels, il ressort tout de même que le parti islamiste cher à son créateur, Mohamed El Khatib, a pris largement les rênes du royaume chérifien. Maroc. De notre envoyé spécial Avec ses 80 sièges, le PJD est très loin de son dauphin, l'historique Istiqlal (indépendance) du chef du gouvernement sortant Abbas Al Fassi, qui n'a récolté que 45 sièges. La performance est d'autant plus importante que ces résultats ne concernent que 188 circonscriptions, en attendant celles qui ont accusé des retards, et les deux listes nationales des jeunes et des femmes. C'est dire que la vague verte du PJD pourrait couvrir les trois quarts du Parlement marocain. Son secrétaire général, Abdelilah Benkirane, ne cachait pas sa satisfaction, hier, après ce triomphe : «Nous remercions Dieu et les Marocains pour cette victoire. J'espère que notre participation à la vie politique sera positive. Cette victoire aura un impact psychologique positif sur les Marocains. Le Maroc a choisi de faire sa révolution à sa manière à travers ces résultats.» Le chef du PJD a promis de «renforcer le processus démocratique et la bonne gouvernance» et exclu de s'allier avec le Parti de l'authenticité et la modernité (PAM) de l'ami du roi, Ali El Himma, pour former un gouvernement. «Tout sauf le PAM», a-t-il tranché. Cela dit, au-delà de cette première éruption du volcan islamiste au royaume, il faut noter l'échec cuisant des partis adoubés par Sa Majesté. Bien que certains d'entre eux aient grappillé quelques sièges supplémentaires, les premiers résultats les envoient tout droit vers… l'opposition. La vague verte Pourtant, ces huit partis, organisés au sein d'une «alliance pour la démocratie» appelée aussi «G8» n'ont pas lésiné sur les moyens durant la campagne, voire même en plein vote. Ainsi, le chef du Rassemblement national des indépendants – de leur volonté ! – Salah Eddine Mezouar a été pris la main dans le sac, à Meknès, alors qu'il distribuait de l'argent aux électeurs, d'après les responsables du PJD. Passons sur les transports collectifs auxquels ont eu recours les «huit» pour ramener les montagnards aux bureaux de vote non sans leur verser un petit pécule au sortir de l'isoloir. Un journaliste marocain raconte qu'un parti remettait 500 DH à chaque électeur devant le bureau et 500 autres une fois le vote accompli. Pour ce faire, l'électeur devait montrer une photo de son vote, prise avec un téléphone portable ! On racontera à l'envi ce genre de méthodes de corruption des électeurs utilisés par les partis «friqués», notamment en milieu rural. Mais au final, l'argent n'a pas suffi pour contenir la déferlante du PJD, décidé cette fois à prendre le pouvoir par les urnes, histoire de renvoyer l'écho à Ennahda en Tunisie. L'échec cuisant des partis du makhzen Les partis makhzeniens sont donc classés loin derrière, à l'image du RNI de Salah Eddine Mezouar qui arrive en 3e position avec 38 sièges, devant son alter ego au sein de l'Alliance pour la démocratie, le PAM de Ali El Himma, avec 33 sièges. Signe du déclin des partis taxés, à juste titre, de proches du palais, le RNI et le PAM réunis sont battus à plate couture par le PJD. Il est désormais presque sûr que le prochain chef du gouvernement marocain sera islamiste, car le titulaire de ce poste sera puisé des rangs du parti vainqueur, conformément à la réforme constitutionnelle de juillet dernier. Mais le dernier mot revient tout de même au roi, qui choisira la personne. Au quartier général du PJD, dans la cité résidentielle des Orangers, à Rabat, on pense que c'est l'ex-chef du parti, Saâd Eddine El Othmani, qui aura les faveurs du roi en raison de sa modération dans le discours. En revanche, l'actuel SG du PJD, Abdelilah Benkirane, est réputé être un dur, voire un radical aux entournures. Lui-même avait déclaré, il y a quelques jours, qu'il ne verrait pas d'un mauvais œil qu'un de ses lieutenants soit appelé à diriger le gouvernement. Mais en attendant, cap désormais sur les alliances. Et à ce jeu, le PJD ne fait pas mystère de ses préférences. Fidèle à Al Koutla dont il est proche, le parti islamiste a déjà tranché au profit de ce groupe politique dirigé par la formation de Abbas Al Fassi qui arrive en 2e position et les autres formations de gauche comme le Parti progressiste et social (PPS) et l'Union des forces populaire (USFP) cher à Abderahmane El Youssoufi. Pour autant, le PJD entend brasser très large en n'excluant aucune alliance, «sauf avec le PAM». Le Maroc se dirigerait alors vers un gouvernement d'union nationale, mais sous l'étendard islamiste du PJD. Eh oui, le drapeau rouge marocain a désormais viré au vert…