Pas moins de soixante partis politiques participent aux premières élections démocratiques égyptiennes à l'allure marathonienne. Ils sont de différentes obédiences. Le Caire. De notre envoyé spécial
Libéraux, socialistes, nationalistes, nassériens et religieux (islamistes et chrétiens orthodoxes). Pour la première fois aussi, les résultats ne sont pas connus d'avance, comme ce fut le cas lors des simulacres de consultations du temps de Moubarak. Cependant, certaines forces politiques émergent du lot. L'influente confrérie des Frères musulmans et son bras politique, le Parti de la justice et de la liberté, sont donnés comme favoris. Ils disposent d'un réservoir électoral, notamment dans la zone du Delta du Nil, leur permettant une victoire assurée. Le nord-est du pays est dominé par les Frères musulmans. Mais la force de frappe de la Gamaâ est incontestablement son implantation dans les grandes villes grâce à une organisation ultra disciplinée et surtout secrète. Elle est la force politique la mieux organisée et la plus ancienne du pays. Les années de clandestinité ont été, pour la confrérie des Frères musulmans, une dure épreuve, mais également une expérience dans l'organisation et le contrôle de ses troupes. Les Frères musulmans sont dotés d'un maillage politique et social que même les redoutables moukhabarate n'ont pas réussi à mettre hors d'état de nuire. «L'autre atout des Frères musulmans réside dans la manne financière dont ils disposent. Ils regorgent d'hommes d'affaires qui financent les campagnes électorales et les associations caritatives», analyse le spécialiste des mouvements islamistes égyptiens, Dhiyaa Rachwane. Le contexte régional vient aussi à leur secours. La confrérie des Frères musulmans aborde ces élections avec le vent en poupe grâce à la percée électorale d'Ennahda en Tunisie et du PJD au Maroc. Cependant, les Frères musulmans partent avec un handicap majeur. L'arrivée sur la scène politique égyptienne des autres partis islamistes. Ils n'ont plus le monopole sur «le peuple islamiste», ajoute Dhiyaa Rachwane. Il y a une dizaine de formations politiques qui se revendiquent du courant islamiste. Ce qui pourrait éparpiller les voix de l'électorat islamiste. Le parti salafiste, Hizb Ennour, est le sérieux rival des Frères musulmans au sein de la mouvance islamiste. L'autre formation, qui pourrait peser dans le camp des islamistes, est celle du Hizb El Wast. Un parti modéré qui se dit proche du parti Ennahda tunisien. Les observateurs estiment que le camp islamiste pourrait obtenir entre 35 et 40% des voix. Côté libéral, le bloc égyptien conduit par le Parti des Egyptiens libres, de l'homme d'affaires Naguib Sawirris, se présente comme un sérieux prétendant. Fort d'un réservoir électoral chez les Coptes, mais aussi chez les classes urbaines, petite bourgeoisie, le parti peut espérer une victoire honorable. Ce parti, dans lequel milite le vieux poète engagé Ahmed Fouad Negm, se veut celui qui incarne le courant moderniste de l'Egypte. Sa campagne était centrée essentiellement contre le risque islamiste qui «pourrait remettre en cause la vieille civilisation égyptienne avec la montée des courants réactionnaires», met-il en garde sur une grande affiche de ce parti dans le quartier branché de Zamalek. Quant à la formation historique, comme le parti du Wafd qui est taxé de «pro-ancien régime», elle pourrait connaître une déroute historique. Ce parti fondé par Saâd Zaghloul en 1919, dont le croissant musulman et la croix chrétienne sont le sigle, est «disqualifié» par une bonne partie de l'opinion, estime le politologue Amr Chobaky. Les partis de gauche vont tenter de tirer leur épingle du jeu électoral, même s'ils ne se font pas trop d'illusions. Représenté par le bloc Révolution continue, ce courant espère obtenir le soutien des forces révolutionnaires, dont il se dit le porte-voix. Les nationalistes nassériens, dont El Karama de Hamdine Sebahi est la locomotive, tablent sur une victoire qui placerait son leader, Sebahi, candidat potentiel à l'élection présidentielle, en haut de l'échiquier politique national. Reste les partis fondés par les «barons» du Parti national démocratique dissous. Ils se regroupent dans 9 partis politiques. Il n'est pas exclu qu'ils fassent un score surprenant en faisant jouer leurs réseaux clientélistes et en s'appuyant sur les rivalités tribales, notamment dans les provinces de la Haute Egypte. En somme, le long processus électoral pourrait avoir des rebondissements en cours de route, voire même des bouleversements.Ouali