Driss Ouadahi expose, parmi d'autres artistes, au Musée national de l'art moderne et contemporain d'Alger (MaMa) à la faveur du 3e Festival international de l'art contemporain d'Alger (FIAC 2011) qui se tient jusqu'au 3 février. - Le grillage, sur fond bleu, cela ressemble bien à une dénonciation de la fermeture, de l'isolement, des barrières… Effectivement, on peut associer ce travail à beaucoup de choses. Il s'agit d'un espace de délimitation. Plusieurs raisons m'ont poussé à faire ce travail. En Europe, on pense que la peinture est réservée à une élite. Selon cette vision, la peinture ne peut être faite que par les Occidentaux. Montrer le grillage défoncé, coupé, est une manière de dire qu'on peut faire une peinture qui va au-delà de cette pensée. En même temps, cela évoque aussi l'évasion, la liberté. C'est un travail qui peut provoquer plusieurs lectures en fonction des sensibilités…
- Qu'en est-il des démarches artistiques actuelles en Europe et en Amérique du Nord ? Chaque pays a ses préoccupations. La démarche est à l'échelle individuelle. Actuellement, l'art est pratiqué par des artistes qui se déplacent d'un pays à un autre. Aux Etats-Unis, on peut trouver des plasticiens allemands pendant que des Américains réalisent des œuvres en Allemagne… Il n'y a plus de frontières. Par contre, on peut parler d'école. En Allemagne, par exemple, on axe beaucoup le travail sur la photographie et la peinture, alors qu'aux Etats-Unis, ce sont plutôt la sculpture, l'installation et les happenings qui sont mis en valeur. En France, c'est l'art conceptuel qui domine. Chaque pays est axé un peu sur une forme artistique qui lui correspond et qui décrit les préoccupations de la société.
- Vous êtes plus peintre que photographe ou le contraire ? Je suis resté dans le classique. Mon activité principale est la peinture. J'ai fait cela depuis mon enfance. J'ai un plaisir inouï à peindre. C'est pour cela que je suis resté dans cette expression, et c'est pour cela que je la défends par rapport à ce travail qu'on vient de voir (tableau exposé au MaMa, ndlr) en brisant les frontières et dire qu'il faut toujours faire de la peinture même si l'on n'a pas les repères dans le sens de la Renaissance. La peinture est une expression universelle. On m'a demandé : «Pourquoi ne prenez-vous pas les grillages en photo ?»Regardez bien le tableau, vous allez voir des affinités et des nuances de couleur que la photographie ne peut pas rendre. J'ai l'impression que les gens ne font plus de différence. C'est comme si on demandait à quelqu'un de faire de la musique sans lui donner des instruments. Je respecte la photographie, mais elle n'a pas la même portée picturale que la peinture.
- Ne pensez-vous qu'il existe une certaine dictature de l'image dans les arts contemporains ? Absolument ! Il y a un malentendu. Notre société doit faire attention et ne pas se laisser prendre dans le piège de l'image et par la fascination de l'image. La photographie est séductrice, alors que pour la peinture, il faut prendre son temps, bien regarder, avoir un œil aiguisé, découvrir les subtilités… La peinture peut être aussi évocatrice que la photographie ou la vidéo. A mon avis, la vidéo est aujourd'hui surévaluée parce que des films de cinéma (35 mm, ndlr) ont parfois un impact plus important que la production vidéo.
- L'art contemporain algérien est-il sur le bon chemin ou a-t-il pris du retard ? Quand je vois une exposition pareille, cela me donne une bouffée d'air frais. Cela me rassure parce que l'exposition est bien organisée, bien présentée. Il y a des travaux de qualité. Je verrai bien cette exposition présentée en Europe ou ailleurs. Il y a toujours des choses à rectifier, mais le niveau que l'on voit est prometteur. Je suis doublement content d'être dans cette exposition. D'une part, je retrouve mon environnement, comme le poisson dans l'eau, et de l'autre, je suis vu par une œuvre qui sera vue par nos compatriotes.
- Ce n'est pas votre première exposition ici à Alger... J'expose au Musée national d'art moderne et contemporain pour la première fois. Je suis parti en 1988 après des études à l'Ecole des beaux-arts d'Alger. Avant de m'installer en Allemagne, j'ai fait une exposition ici en Algérie. J'ai exposé en Allemagne, aux Etats-Unis, en Espagne et ailleurs en Europe.