Ce qui n'était qu'un simple soupçon sur les « coffres-forts » de l'Armée islamique du salut ( AIS) vient d'être confirmé, presque niaisement, par le « commandant » Madani Mezrag. « Le frère Rabah Kebir, ancien président de l'instance exécutive du FIS à l'étranger, avait fourni à l'AIS des aides en espèces qu'il expédiait à partir de l'Allemagne », a, en effet, déclaré l'émir, lors de sa dernière conférence de presse. Cependant, Mezrag a bien pris le soin de démentir l'information selon laquelle son organisation, autodissoute en 2000, dispose d'un trésor de guerre. « Cet argent avait servi au financement de la trêve signée en 1997. Avec ce qui en est resté, on finance de miniprojets, de 15 à 20 millions de centimes, au profit de nos hommes », a-t-il révélé. Mezrag « soigne » bien ses anciens acolytes ! Il les défend sur le plan médiatique et les assiste sur le plan socioéconomique. Dans son interview à l'hebdomadaire l'Intelligent, l'ancien émir national de l'AIS a reconnu que, lui et ses hommes, ont « des biens, des voitures et de l'argent ». N'est-ce pas là une véritable fortune ? Où se trouve cet argent ? l'interrogea le correspondant de l'Intelligent. « Il est caché quelque part », a-t-il répondu sans, toutefois, préciser la valeur de ces biens. Il ne serait pas étrange, ceci dit, de voir un Madani Mezrag, un Benaïcha ou un Kartali circuler à bord de voitures de luxe, édifier des villas aux allures sybarites ou se lancer dans l'import-export ! Cette fortune n'est pas placée dans des banques, sous-entend l'émir de Jijel. Le magot échappe complètement aux circuits économiques et financiers légaux. Ces flux, pour le moins opaques, risquent de se transformer, à court terme, en criminalité financière. Même la police a conclu à la reconversion d'anciens bourreaux en chef de gang. En effet, parlant de « la fortune des groupes terroristes », Ali Tounsi, directeur général de la Sûreté nationale, avait souligné, dans un entretien paru il y a un peu plus d'une année dans les colonnes d'un confrère, que des enquêtes ont été réalisées à cet effet. « C'est le gouvernement, lui-même, qui a pris en charge ce travail (...). Nous avons sollicité, à l'époque, les autres services de l'Etat pour proposer des mesures et nous avons buté sur l'absence de texte de loi (...). Depuis à peu près deux ans, le relais est assuré par une commission qui a fait appel à des consultants internationaux », avait-il indiqué. La commission dont avait parlé Tounsi n'avait jamais rendu publiques ses conclusions. Aujourd'hui, l'Algérie s'est dotée d'une loi sur la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Les autorités doivent agir pour demander des comptes à ces « seigneurs » qui se sont enrichis au moment où la majorité des Algériens s'appauvrissaient. Ils doivent restituer le butin, ou son équivalent, aux pouvoirs publics. Fermer les yeux sur des délits aussi graves équivaudrait à un acte de participation ou de complicité. Le cas évoqué par Mezrag n'est, d'ailleurs, qu'un échantillon d'une affaire qui ne manquerait pas de prendre les allures d'un grand scandale financier. L'Algérie laissera-t-elle d'anciens sanguinaires acquérir un influent pouvoir économique ?