Où va la Palestine au lendemain de l'écrasante victoire du Hamas (73 sièges sur 136) aux élections législatives organisées mercredi dernier ? Comment le Hamas va-t-il gérer ce succès et les pressions internationales qui en découleront ? Sera-t-il à même de faire évoluer son discours et amorcer un passage réel vers le politique ? Quelle sera la réaction d'Israël face à cette victoire ? Autant d'interrogations auxquelles Elias Sanbar, observateur permanent de la Palestine auprès de l'Unesco, a répondu hier lors d'une conférence de presse organisée au centre d'accueil de la presse étrangère à Paris. Selon le conférencier, « il est encore trop tôt pour spéculer sur la tournure politique que prendraient les événements, mais une option n'est pas à exclure, celle d'une cohabitation avec le Fatah ». « On a beaucoup parlé d'une évolution à la turque, ce serait une porte de sortie, mais la Turquie n'est pas occupée. » Tout en relevant l'implantation profonde de la démocratie dans les territoires occupés, M. Sanbar a estimé que cette victoire du Hamas par les urnes n'est une surprise pour personne. « Nous savions que le Hamas entrerait au parlement palestinien, mais sans disposer d'une majorité absolue. Cependant, la réalité du terrain a démontré le contraire. » Il relèvera ensuite l'attitude contradictoire du vainqueur « qui n'a jamais cessé de discréditer et de dénoncer les institutions nationales créées par les accords d'Oslo, tout en acceptant aujourd'hui de les gérer ». Le conférencier s'est ensuite demandé comment le Hamas, « qui s'est retrouvé après son succès électoral dans une position contradictoire, mais intéressante », va-t-il gérer les problèmes sociaux de la population, la question des retraites, le versement des salaires des fonctionnaires de l'Etat et la question des frontières avec Israël. « Etre dans l'opposition et critiquer l'action du gouvernement et de l'Etat est une chose. En revanche, gouverner et proposer des solutions à tous les blocages politiques et sociaux en est une autre », a ajouté le conférencier. L'interlocuteur a par ailleurs souligné que « la situation idéale pour le Hamas serait d'offrir les portefeuilles des ministères des Affaires étrangères et des Finances et le poste de Premier ministre au Fatah afin d'éviter de se confronter directement aux Israéliens lors des négociations de paix et au peuple, mais le parti de Abbas a refusé pour l'instant de lui faire ce cadeau. Cependant, cette position ne semble pas irrémédiable ». En ce qui concerne les engagements pris par le président palestinien face à la communauté internationale, Elias Sanbar a estimé que " Abbas dispose de tous les pouvoirs pour mener à terme le processus de négociations pour la paix du fait qu'il a été élu légitimement sur ce programme. Même en cas de blocage total de la situation, Abbas aura toute latitude de négocier au nom de l'OLP, car il est dans son rôle de président élu au suffrage universel ». A la question de savoir si le Hamas pouvait imploser de l'intérieur, l'observateur palestinien semble ne pas croire à cette hypothèse » car le parti est soutenu par une frange plus large de la population à cause de son engagement sur le terrain, son incorruptibilité et les sacrifices consentis par ses élites toutes assassinées par Israël. Sans oublier les affres de l'occupation israélienne et la mauvaise gestion du Fatah ». A la question si Israël n'a pas vraiment cherché ce résultat, Elias Sanber a répondu que la " politique officielle de Tel-Aviv s'est caractérisée par un jeu d'apprentis sorciers et de manipulatio ». L'interlocuteur ira même jusqu'à dir : « Le gouvernement israélien avait soutenu au début l'enracinement du Hamas dans le paysage politique et social palestinien. » Moshé Dayan décalait : « Pendant que les militants du Hamas priaient, ils ne s'occupaient pas des armes. » Alors que les pays arabes, notamment l'Egypte et la Jordanie, ont pris note de la victoire du Hamas. Quant aux Américains, « il ne faut pas sous-estimer leur capacité à forcer la main à tel ou tel s'ils le veulent. Des contacts entre des capitales occidentales entre Hamas ont lieu depuis longtemps, même avec les Israéliens et les Américains ». Le conférencier conclut que « si Hamas arrive à faire le passage vers le politique qu'il a annoncé, tous les Palestiniens avanceront vers les négociations ». « Il y a une souffrance palestinienne, un malheur quotidien. Pour moi, ce qui est essentiel, c'est que ce peuple qui est le mien respire. »