A se fier aux récentes révélations de Madani Mezrag, l'ancien dirigeant de l'instance exécutive du FIS à l'étranger, Rabah Kebir en l'occurrence, a une responsabilité directe dans le financement du terrorisme en Algérie. « Le frère Kebir avait fourni à l'AIS des aides en espèces qu'il expédiait à partir d'Allemagne », a déclaré l'émir, lors de sa dernière conférence de presse. Cela sous-entend que le dirigeant intégriste, réfugié en Allemagne depuis le début des années 1990, avait récolté des fonds pour alimenter, en moyens financiers et logistiques, les maquis de l'AIS, branche armée de l'ex-FIS. Le chef de la délégation du parti dissous, on s'en souvient, est arrivé en Allemagne en 1992 et y a été accueilli comme « réfugié politique » en dépit de l'accusation portée à son encontre par les autorités algériennes. Cependant, on ignore comment et par quelle voie se faisait le transfert de ces capitaux pour les acheminer à destination. Sans la complaisance des autorités allemandes à l'égard de ces chefs intégristes, il serait quasiment impossible de faire des collectes d'argent, d'opérer des mouvements financiers et encore moins d'expédier le magot aussi facilement. Il est vrai que l'Allemagne, tout comme d'ailleurs la Hollande et la Grande-Bretagne, fut une terre d'asile pour l'engeance fondamentaliste issue du monde arabo-musulman. On a même soupçonné l'Allemagne d'être une importante base arrière des terroristes algériens dès lors que les criminels du GIA et de l'AIS y disposaient de « points d'appui ». M. Kebir tombe-t-il sous le coup de la loi allemande ? Sera-t-il poursuivi pour avoir financé des groupes armés ? Autrement, que signifie la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre le terrorisme si l'ancien « ravitailleur » de l'AIS continue de « se la couler douce » sous les auspices bienveillants de Berlin ? Contacté, le chargé de communication de l'ambassade d'Allemagne à Alger a préféré user de toute la prudence possible pour, semble-t-il, épargner une éventuelle « brouille diplomatique » entre les deux pays. « Je vais saisir les autorités de Berlin pour savoir ce qu'il en est », s'est-il contenté de dire. Un conseiller de l'ambassade d'Algérie en Allemagne a fait preuve de la même circonspection. Interrogé par notre confère El Khabar, Rabah Kebir n'a pas voulu commenter les déclarations de Madani Mezrag. Celui qui ne dit mot, consent, dit l'adage. « Selon les autorités des services de sécurité, l'Allemagne est d'ores et déjà le pays de transit numéro un pour les trafics d'armes du FIS, dont les combattants effectuent principalement des achats en Slovaquie et en République tchèque », avait écrit, en 1994, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel. Cependant, l'ancien chef des renseignements généraux de Hambourg, Ernst Uhrlau, avait précisé au même journal qu'il est « difficile d'apprécier si les combattants du FIS ou du GIA peuvent devenir une force menaçante même s'ils ont un potentiel d'agression ». Pourtant, le gouvernement allemand, avec l'aval du Bundestag (Parlement), avait décrété des restrictions quant à l'obtention du droit d'asile. Bien que reconnu par la Constitution, l'accès à ce droit a été limité. Mais, les intégristes algériens n'étaient pas inquiétés. Rabah Kebir, qui résidait près d'Aix-la-Chapelle, semblait bénéficier d'un statut particulier. Il a donné plusieurs fois des interviews et publié des déclarations. Mystérieusement, ses sorties médiatiques ne lui valurent, de la part des autorités allemandes, que de rares reproches. Selon la presse allemande, un rapport du Bundesverfassungsschutz (Renseignements généraux) a même révélé un trafic d'armes qui serait organisé à partir de ce pays « au profit des terroristes opérant en Algérie sous l'autorité de Rabah Kebir ». Si ces informations venaient à être confirmées par des enquêtes aussi bien en Allemagne qu'en Algérie, Rabah Kebir, sera passible d'une lourde peine de prison. A moins que l'impunité l'emporte sur la justice.