-Les trois quarts du marché sont détenus par le secteur public. Peut-on parler dans ces conditions de concurrence ? Aujourd'hui, on ne peut pas parler de concurrence dans le marché des assurances en Algérie étant donné la domination du secteur public.Evidemment, cette dernière trouve ses racines historiquement. Ce secteur est présent depuis l'ère du monopole, il a plus de force de frappe financière et il a la préférence des grands acteurs économiques publics et privés. Tout cela lui donne une prépondérance, mais le marché ne peut pas se développer ni être concurrentiel dans ces conditions parce qu'on assiste au développement de réflexes qui nuisent à la concurrence. Aujourd'hui, nous avons une concurrence fictive parce que certains acteurs économiques, sans que cela soit écrit quelque part, poussent leur clientèle même privée avec des recommandations verbales à aller s'assurer au niveau des compagnies publiques. Le secteur privé essaye de se battre avec ses moyens et de se positionner vers les autres créneaux, notamment l'automobile, mais même sur celui-ci, il y a un autre problème qui est plus grave parce que cette branche est tirée vers le bas par une guerre tarifaire qui est dangereuse pour l'équilibre financier de toutes les entreprises et qui nous fait perdre beaucoup d'argent. A terme, elle risque d'emporter une bonne partie des acteurs privés. -Qu'entendez-vous exactement par guerre tarifaire ? Aujourd'hui, le seul fait concurrentiel qui existe sur la place c'est la sous- tarification des risques automobiles et c'est un phénomène qu'on observe sur le marché. Nous constatons qu'il y a les prix de l'assurance automobile qui baissent alors que les sinistres augmentent en nombre et en valeurs au même titre que ceux des pièces de rechange, de la main d'œuvre et du SNMG sur lequel les sinistres corporels sont indexés. Cela n'est plus tenable et nuit énormément au secteur et à l'économie nationale. Cet état de fait ne laissera pas le secteur se développer ni participer à l'essor de l'économie. Il ne faut pas oublier qu'en Algérie, en matière de responsabilité civile automobile, nous avons des tarifs très bas alors que nous subissons des pertes énormes, notamment dans le corporel. D'après les statistiques de l'UAR, nous encaissons 1 DA en automobile et nous déboursons 2,75 DA, c'est une situation qui nuit gravement au secteur et c'est pour ça que l'UAR revendique une révision des tarifs RC, car ils sont les plus bas de toute la région MENA et méditerranéenne. -Vous souhaitez qu'il y ait une hausse des primes de l'assurance automobile ? Ce n'est pas une question de hausse de prime à l'exclusion de la RC automobile et qui n'est pas très importante dans un contrat d'assurance. Moi, je milite pour que les compagnies cessent de se faire cette guerre inutile, que tout le monde se mette autour d'une table pour qu'au moins, on respecte les tarifs actuels parce que ça ne sert à rien d'augmenter les tarifs si c'est pour les remiser par la suite. -Mais avoir une guerre tarifaire, ce n'est pas là le propre d'un marché concurrentiel qui profiterait d'abord au client ? Mais ce n'est pas une concurrence saine. Je ne dis pas qu'il faut faire une entente tarifaire. Aujourd'hui, l'organisation du marché ainsi que les remises pratiquées et certaines pratiques malsaines ne concourent pas à la pérennité de ce marché. Le fait de casser le prix et ne pas rembourser après les sinistres ou mettre l'équilibre financier de son entreprise juste pour survivre est déjà un problème majeur. Le client ne pourra profiter de cette situation, car si le prix pratiqué ne reflète pas la réalité, cela engendrera une qualité de service pas bonne et surtout un non-remboursement chronique des sinistres et le client se trouve otage de cette situation et vous pouvez le constater sur le terrain. Je pense qu'il est de l'intérêt du client de payer le juste prix et d'exiger une qualité de service irréprochable et un remboursement dans les délais et au coût juste.
-La survie des compagnies privées ne passe-t-elle pas aujourd'hui par une spécialisation dans certains segments au détriment d'autres ? Certainement, il faut travailler sur des niches de marché, sur l'innovation, la qualité de service et la formation, comme il faut développer de nouveaux produits à valeur ajoutée, créer une nouvelle façon de travailler, mais tout cela ne réglera pas le problème de fond s'il n'y a pas de changement d'orientation dans la pratique. Aujourd'hui, il est urgent d'assouplir les règles et de permettre aux acteurs privés de s'épanouir et se solidifier pour faire face au défi de développer notre marché et surtout faire face à la concurrence étrangère qui ne tardera pas à se renforcer à l'avenir. On nous annonce certaines réformes dans le secteur courant 2012 en termes de marges de solvabilité, nous souhaitons qu'elles aillent dans le bon sens afin d'aider les entreprises à mieux évoluer.