Le mouvement palestinien Hamas, vainqueur des élections législatives palestiniennes du 25 janvier dernier, entend forcer le hasard et la main à ses interlocuteurs réels ou potentiels. A commencer par le mouvement Fatah qu'il a largement battu, mais sans jamais lui ôter son expérience dans les négociations, ou la gestion des affaires. Et des Européens ensuite, lesquels, apprend-on, n'ont pas coupé le contact avec le Hamas. Ce qui n'est pas suffisant pour ce mouvement engagé depuis samedi dans une véritable course contre la montre pour présenter un Premier ministre et former un gouvernement qui aurait l'aval du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Le délai devrait être suffisant quand on dispose d'un réservoir de cadres, mais la tâche risque d'être ardue s'il est toujours question pour ce mouvement de diriger une coalition. Et la question s'adresse au Fatah, qui a déjà anticipé en y opposant un non. Ce qui n'a pas eu pour effet de dissuader ce mouvement qui s'apprête à proposer officiellement au Fatah de participer au gouvernement, a indiqué un de ses responsables. « Nous allons nous asseoir avec eux et nous leur proposerons officiellement de participer au gouvernement », a déclaré Ismaïl Haniyeh à l'issue d'une rencontre lundi soir avec le chef des services de renseignements égyptiens, Omar Souleïman. « Nous attendrons la réponse officielle que donnera la direction du Fatah », a ajouté M. Haniyeh. Plusieurs dirigeants du Fatah se sont d'ores et déjà déclarés hostiles à une cohabitation avec le Hamas, appelé à former le prochain gouvernement, mais le Fatah n'a pris aucune décision formelle à ce sujet jusqu'à présent. « Nous avons dit à M. Souleïman que le Hamas veut négocier avec toutes les parties politiques palestiniennes et nous avons abordé les pressions internationales et les menaces de couper l'aide au peuple palestinien », a précisé M. Haniyeh. « Toutes ces positions sont injustes à l'égard de notre peuple, mais nous avons les moyens de remplacement, qu'ils soient palestiniens, arabes ou islamiques », a-t-il indiqué. Des représentants des Etats-Unis, de la Russie, de l'Union européenne et de l'ONU ont conditionné fin janvier la poursuite des aides internationales à l'Autorité palestinienne au rejet par le Hamas de la violence, à la reconnaissance d'Israël et au respect de la Feuille de route, le dernier plan de paix international. Une délégation du Hamas a entamé lundi des discussions au Caire sur la formation du futur gouvernement palestinien. Les tractations se sont poursuivies hier. Quant à l'aspect international de cette question, les dirigeants du Hamas l'abordent avec beaucoup de sérénité. L'Union européenne, « discutera dans six mois » avec Hamas, a assuré l'un de ses dirigeants, Mahmoud Al Zahar, dans un quotidien allemand. « Dans six mois, l'UE discutera aussi avec nous, le monde n'a pas à avoir peur du Hamas », affirme, au journal de Munich Sùddeutsche Zeitung paru hier, l'élu de Ghaza. Selon M. Zahar, qui pourrait devenir Premier ministre, une suspension de l'aide financière de l'UE aurait peu de conséquences sur l'Etat palestinien. « Nous, les Palestiniens, n'avons pas besoin de l'argent des Européens », déclare-t-il, expliquant que « sur les 327 millions d'euros annuels d'aide, il y a deux tiers d'argent arabe. Seul un tiers vient des Etats-Unis et d'Europe ». Interrogé sur la reconnaissance d'Israël, Mahmoud Al Zahar assure qu'« aucun Palestinien n'acceptera » un Etat palestinien comportant des colonies juives, et que le contrôle d'El Qods-Est par les Israéliens était « inacceptable autant pour (Yasser) Arafat que pour le président (Mahmoud) Abbas, et pour nous également ». Le responsable islamiste écarte également toute idée de négociation avec le gouvernement israélien. « Négocier sur quoi ? », s'insurge-t-il, assurant qu'« Arafat et les responsables de l'Autorité palestinienne avaient déjà discuté avec les Israéliens et que cela ne leur avait rien apporté ». Concernant la formation du prochain gouvernement palestinien, Mahmoud Al Zahar assure que « chaque homme politique qui n'appartient pas au Hamas, qui n'est pas corrompu et qui veut faire quelque chose peut intégrer le gouvernement ». Quant à une participation du Fatah, le responsable du Hamas à Ghaza assure que « nous leur faisons une offre. Si le Fatah la refuse, nous ferons sans lui ». Bien entendu, la partie ne s'annonce pas simple, puisque le Fatah a décliné par avance une telle offre, et que le président Mahmoud Abbas entend conserver et défendre toutes ses attributions, comme celles qui consistent à être le garant des engagements internationaux souscrits par les Palestiniens.