Le gouvernement, de l'avis de Me Khaled Bourayou, avocat à la cour d'Alger, aurait dû annoncer officiellement l'interdiction de la reproduction des caricatures dans lesquels le Prophète Mohamed (QSSSL) est associé au terrorisme, y compris dans l'intention de dénoncer cette manipulation. M. Bourayou estime que les pouvoirs publics ont agi de façon excessive en mettant sous mandat de dépôt les directeurs de journaux privés qui ont reproduit les dessins en question, alors que de pareilles sanctions n'ont pas été infligées à d'autres médias relevant de l'audiovisuel qui ont également diffusé les caricatures. « Les pouvoirs publics ont fait preuve de sagesse vis-à-vis du secteur public qui a reproduit les caricatures. Seules des mesures administratives ont été entreprises contre les responsables de ces canaux. Pourquoi alors n'ont-ils pas agi de la même manière avec les directeurs du secteur privé ? Il y a eu une disproportion et une discrimination dans le traitement de cette affaire », a indiqué Me Bourayou, convaincu que les directeurs emprisonnés ne sont pas dans leur tort. Il s'agit peut-être, selon lui, d'une imprudence pas intentionnelle. « Les directeurs des quotidiens Errissala et Essafir ont cru bien agir en tentant d'informer leurs lecteurs sur le contenu des caricatures. A travers la reproduction de ces dessins, ils voulaient dénoncer l'offense commise envers le Prophète. Dans ce cas-là, la démarche est légitime », a estimé l'avocat qui relève que le comportement des pouvoirs publics obéit à une seule logique qui est la crainte d'être montrés du doigt. Me Bourayou ne nie pas que la liberté d'expression, c'est avant tout la préservation de la vie privée des gens et le respect des convictions religieuses des autres, mais ce qui est de son point de vue condamnable, c'est la répression de la liberté d'expression. De son côté, Me Miloud Brahimi considère que la mise en détention préventive des directeurs des quotidiens arabophones est une erreur grossière, car à l'évidence il s'agit de journalistes qui ont fait uniquement leur travail d'information. Ces directeurs, explique Me Brahimi, ont voulu juste porter à la connaissance de leurs lecteurs la gravité de l'offense faite à tous les croyants pour leur permettre de juger sur pièce. « La mise en détention des directeurs des deux publications est une décision incompréhensible et injustifiable, puisque l'intention criminelle n'existe pas des journalistes bien au contraire », a indiqué Me Brahimi qui explique que ces personnes ne sont coupables d'aucun délit, mais il y a eu, de leur part, une volonté de dénonciation. Pour sa part, Me Djamel Belloula a tenu à préciser que la détention préventive est excessive dans ce cas et dans d'autres cas également. « Je trouve que le recours à la détention préventive est excessif et lorsqu'elle est systématique elle devient inévitablement abusive. Nous constatons cela quotidiennement et nous qualifions cette procédure d'anormale », a affirmé notre interlocuteur qui estime que les directeurs des quotidiens Errissala et Essafir ont reproduit les caricatures dans l'unique but de débattre de la question et de dénoncer les auteurs de cette manipulation. Dans toute les infractions, il existe l'élément moral qui doit être pris en considération. A son avis, les directeurs des quotidiens n'avaient nullement l'intention de nuire. Dans ce cas, leur détention est un fait extrêmement grave. « Les directeurs de ces journaux ont voulu informer l'opinion publique. Cela entre dans le cadre de l'article 2 de la loi relative à l'information qui stipule que les citoyens ont le droit d'être informés de manière directe sur tous les événements nationaux et internationaux. A mon sens, aucun Algérien ne peut se permettre de commettre l'offense envers le Prophète, car il sait pertinemment qu'il tombera sous le coup de la loi », explique Me Belloula.