Tandis que son voisin, le Mali, se trouve ensablé dans des conflits inquiétants, le Sénégal, passés des moments de tension, a donné une leçon de démocratie au continent. Et sa capitale prépare activement le Dak'Art 2012, la biennale d'art contemporain africain. Parvenue à sa 10e édition, soit vingt années d'existence, cette manifestation est sans doute une des plus pérennes et des plus originales du continent. Son aura n'a cessé de grandir au fil des éditions. Cette année, elle se tiendra du 11 mai au 10 juin, suscitant les passions de la communauté artistique africaine, tendance contemporaine, ainsi que l'intérêt international. Son originalité réside dans sa démarche fondée sur deux éléments : une approche panafricaine affirmée, et un mode de sélection original dans le monde des biennales et manifestations similaires. Ce sont les artistes eux-mêmes qui présentent leurs candidatures aux organisateurs en fournissant un dossier. Cette année, les trois commissaires, en charge également de la sélection, ont étudié, en février dernier, 329 dossiers d'artistes issus de 36 pays africains et des diasporas implantées dans 21 autres pays. Au final, ce sont 42 artistes issus de 21 pays africains et de l'île de la Réunion qui ont été retenus pour l'exposition internationale au Musée Théodore Monod de Dakar. Ce chiffre renvoie à une proportion de 13% environ sur le volume des candidatures et renseigne sur une certaine rigueur dans la sélection. Le thème choisi pour cette édition est «Création contemporaine et dynamiques sociales», évidemment lié à l'actualité mondiale mais également à celle du changement politique au Sénégal. Mais la sélection des artistes n'a pas surdimensionné ce sujet qui fera l'objet de conférences et débats en marge des expositions. Ainsi, les sélectionneurs «ont tenu compte de l'originalité de la démarche, des qualités esthétiques et conceptuelles, ainsi que de l'actualité du discours, indépendamment du thème de la Biennale». La sélection fait la part belle au talent et surtout aux jeunes talents vivant sur le continent, une démarche qui avait été privilégiée déjà en 2010 où les commissaires avaient même exclu les artistes ayant déjà participé au Dak'Art, afin de permettre l'éclosion de nouvelles signatures. Cependant, la manifestation ne se résume pas à l'exposition internationale. La Galerie Nationale propose des «vedettes» de l'art contemporain : Peter Clarke, Goddy Leye et Berni Searle. A la Maison de la Culture, une exposition d'architectes et plasticiens est présentée par l'Institut valencien d'art moderne (Espagne). Enfin, deux expositions rendront hommage aux grands artistes Papa Ibra Tall et Joe Ouakam. Depuis l'an 2000, le Dak'Art a son «off» qui, lors de la dernière édition, avait mobilisé 200 lieux d'exposition à travers tout le Sénégal. Il aura sans doute cette année la même importance, permettant de découvrir quelques talents «cachés». Sélectionnés dans l'exposition internationale, on comptera quatre artistes algériens : Katia Kameli, Oussama Tabti, Rafik Zaidi et Sofiane Zouggar que le MaMa a contribué à faire connaître. Mais, la nouveauté sans doute est la présence parmi les trois commissaires d'une Algérienne, Nadira Laggoune-Aklouche (lire son texte ci-dessus) aux côtés de la Zimbabwéenne Christine Eyene et du Sud-Africain Riason Naidoo. Aucun commissaire sénégalais, ce qui souligne à la fois la vision panafricaine et le souci professionnel des organisateurs. Une attitude mondialement suivie mais rare ou inexistante en Afrique, où l'on trouve en revanche naturel que les équipes de football soient entraînées par des étrangers... Organisé par le ministère sénégalais de la culture, le Dak'Art connaît des difficultés financières qui se répercutent sur son organisation et notamment sur la scénographie des expositions, étriquée dans des espaces insuffisants. Le mécénat, en partie africain (Union Economique et Monétaire Ouest-africaine, Ville de Dakar…) et, pour beaucoup étranger (Organisation internationale de la francophonie, ambassades de France et d'Espagne, Communauté française de Belgique, Institut français, Centre Georges-Pompidou, Paris…) s'est réduit avec la crise. Que fait l'Union africaine, peut-on se demander ? Mais elle pourrait rétorquer que le président sortant, Abdoulaye Wade, a «offert» à son peuple une statue de 50 m de haut et de 23 millions d'euros de coût pour le cinquantenaire de l'indépendance sénégalaise. Un monument plus proche de la statuaire soviétique que de la belle sculpture africaine qui a inspiré les pionniers de l'art contemporain mondial ! Triste paradoxe pour le Dak'Art qui mérite d'être plus et mieux outenu.