Abdelmadjid Merdaci, docteur d'Etat en sociologie, est enseignant-chercheur à l'université Frères Mentouri de Constantine et écrivain. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur le Mouvement national algérien, la musique algérienne et l'histoire de la ville de Constantine. - Alors que le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie a été accueilli, en France, par une profusion d'ouvrages historiques, pourquoi y a-t-il, selon vous, si peu de travaux réalisés par les chercheurs et historiens algériens à l'occasion de cet anniversaire ? La bonne question devrait plutôt être pourquoi si peu de travaux par la recherche historique algérienne et on fera alors le constat que la perspective change du tout au tout. La recherche est en principe encadrée, financée, programmée par différentes institutions dépendant directement ou pas de l'enseignement supérieur, du ministère de la Recherche scientifique, celui des Moudjahidine et sur le terrain, par les innombrables laboratoires budgétivores. Et c'est à leur niveau que se planifie la recherche que se fixent les objectifs. Les observations que porte votre question sur la rareté des travaux algériens peuvent ainsi appeler une lecture plus politique. La question du jour, celle que peut légitimement inspirer la commémoration en «creux» du cinquantenaire des Accords d'Evian pourrait être celle-ci : qui a peur en Algérie de l'histoire de la guerre d'indépendance ou encore qui a intérêt à protéger l'ancienne puissance coloniale ?
- Quels sont les principaux obstacles auxquels font face les historiens algériens ? La recherche s'appuie généralement sur différentes sources, les témoignages d'acteurs, les archives audiovisuelles et iconographiques, les archives, et il faut bien préciser qu'il s'agit des archives algériennes de la guerre d'indépendance. Celles du GPRA bien sûr mais aussi celles de l'ALN, du MALG, des représentations du GPRA et du FLN à l'étranger. Ces archives sont pour l'heure inaccessibles et seraient sous le contrôle du ministère de la Défense. Le fait est que, dans les meilleurs des cas, les historiens algériens travaillent sur la base de dérogations accordées par les Archives françaises et qu'il convient d'ajouter à tout cela la privatisation d'une partie des archives – documents, photos- par les acteurs de la guerre ou leurs ayants droit.
- Cinquante ans après l'indépendance, les chercheurs algériens ont-ils les coudées franches pour aborder l'histoire de leur pays avec une approche décomplexée ? Contrairement aux apparences, nos historiens travaillent et la qualité de leurs contributions est suffisamment établie pour leur valoir des sollicitations des plus prestigieuses universités et centres de recherche. Il suffit simplement – et cela pourrait être le travail de la presse – de se rapprocher des colloques et autres rencontres scientifiques qui s'organisent dans notre pays ou de suivre celles auxquelles participent nos historiens à l'étranger pour prendre acte du sérieux et de la régularité des contributions de nos chercheurs.