La saison estivale 2004 vient juste d'être clôturée à Skikda et on s'atelle déjà à compter le nombre d'estivants qui ont arpenté, c'est le terme, les plages de la wilaya. Cette année, le taux d'estivants, à en croire certaines informations, devrait être revu à la hausse pour dépasser les 10 millions de vacanciers. C'est si énorme que le commun des autochtones se sentira dépaysé. Mais en dépit des considérations réelles et des techniques utilisées pour calculer ces taux, cela ne fera finalement que conforter la thèse que Skikda continue de rater ses saisons. Car il faudrait bien un jour finir par admettre que la vocation touristique d'une wilaya ne se mesure pas aux taux d'estivants qu'on avance ici et là, à moins de s'efforcer à prouver qu'à Skikda il y a... la mer ! Cette vocation se défend plutôt en ancrant un arsenal infrastructurel et en mettant les bases d'une véritable culture touristique. Ce qui en définitive manque à une wilaya où toutes les opportunités imaginables existent. D'immenses potentialités Skikda, la wilaya, offre c'est vrai plus de 140 km de côtes et deux massifs forestiers des plus denses. Elle dispose aussi d'une richesse archéologique inestimable, qui croupit toujours sous les maquis, et d'un nombre impressionnant de sources thermales. Mais l'offre de la nature ne suffit pas et, des fois, ces potentialités naturelles sont sujettes à une véritable dégénérescence. Un exemple : des 39 plages que compte la wilaya de Skikda, 22 sont interdites à la baignade. Et si on soustrait celles qui l'ont été pour des raisons sécuritaires dont le taux ne saurait dépasser les 20 %, on se retrouve avec des milliers de mètres carrés de sable abandonnés pour des raisons parodiques, puisque 50 % de ces plages ont été fermées pour « défaut d'aménagement ». Une formule dont on use pour éviter de dire « fermées par négligence ». Plusieurs autres « aberrations touristiques » caractérisent Skikda et mettent à nu les discordances qui minent le secteur. A titre d'exemple, sur l'ensemble des plages ouvertes au public et qui auraient accueilli dix millions d'estivants, on ne comptabilise que 36 fontaines, une cinquantaine de signalisation et rien que trois plaques d'identification des plages. Quant aux plaques de signalisation des 22 plages interdites à la baignade, elles n'existent que sur le papier des administrations. Le dérapage Pour les autres commodités, on n'enregistre qu'un seul développement, celui des gargotes hideuses qui poussent en toute impunité le long des plages. Quant aux infrastructures d'accueil et d'hébergement, la wilaya ne compte que 5 hôtels classés d'une capacité de 582 lits seulement, alors qu'en parallèle, elle dispose de 20 hôtels non classés, ou plutôt dortoirs collectifs de plus de 1000 places où cohabitent moustiques, cafards et autres rongeurs. A ce jour, la wilaya n'arrive pas à se défaire de la vision d'un tourisme background qui la caractérise, alors qu'elle offre des potentialités énormes pour des approches plus valorisantes. Le secteur encore vierge est un véritable eldorado où tous les types de tourisme peuvent être développés : tourisme de montagne à Collo, tourisme scientifique et éducatif à la zone humide de Guerbès (reconnue d'importance internationale), tourisme culturel au massif de Collo (sites archéologiques, villes romaines, dolmens....) et le tourismes d'affaires à Skikda, un grand pôle industriel (zone pétrochimique, deux ports et la présence d'une dizaine de firmes étrangères...). Toutes ces prédispositions ne demandent en vérité qu'une attention particulière, aussi bien de la part des autorités et des élus locaux, que des autorités politiques. Mais au point où en est Skikda, cela risque de ne représenter qu'un leurre de plus. Car avant de projeter, il serait peut-être plus nécessaire de préserver au moins ce qui existe déjà. En conclusion, l'état du secteur dans la wilaya de Skikda peut être abrégé en cet exemple : près de Azzaba, à moins de trois kilomètres, il existe une source thermale que les habitants de la région appellent Hammam El Hamma. De l'eau limpide et chaude coule à profusion et s'épand dans une chaâba, juste à côté où les agriculteurs de la région l'emmagasinent. Une fois refroidie, elle sera utilisée par ces mêmes agriculteurs pour l'irrigation. Sous d'autres cieux, cette source aurait pu servir de catalyseur pour l'édification d'une station thermale. Sous le ciel de Skikda, elle sert à fortifier... la tomate. Après cela, il devient facile de conclure qu'avant toute chose, le tourisme est d'abord une question de... culture !