Les syndicats demandent des comptes au ministère de la Santé et envisagent de saisir le président de la République pour mettre fin au calvaire des malades. Il existe bel et bien une pénurie de médicaments en Algérie. La situation est très grave et les clignotants sont au rouge. Cette réalité est confirmée, non seulement par les praticiens, mais aussi par les concernés directement, notamment les malades. Pour mettre les hautes autorités du pays devant leurs responsabilités, le Syndicat national des hospitalo-universitaires a décidé de sortir de sa réserve pour manifester son ras-le bol de cette situation. Après l'intersyndicale, regroupant le syndicat des praticiens, présidé par Lyes Merabet, celui des spécialistes, dirigé par Mohamed Yousfi, et le syndicat des psychologues conduit par M. Kedad, ainsi que les médecins résidents qui ont, à plusieurs reprises, investi la rue pour dénoncer le désarroi des malades et la mauvaise gestion du dossier des médicaments, c'est au tour des hospitalo-universitaires de tenir des sit-in dans l'ensemble des établissements hospitaliers, implantés à travers le territoire national, pour demander des comptes et des explications sur les pénuries de médicaments. Ce syndicat demande des justifications à la tutelle et compte saisir le président de la République pour mettre fin au calvaire des malades. «Jamais la pénurie de médicaments n'a atteint un stade aussi critique. Certes, nous avons connu des moments de pénurie, mais ces deux dernières années, la situation s'est aggravée. Le plus dramatique c'est le refus du ministère de la Santé de reconnaître cet état de fait», s'insurge professeur Djidjli, président du syndicat des hospitalo-universitaires. Ce dernier ne comprend pas l'attitude du ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, qui traite les syndicats de «menteurs», à chaque fois qu'ils montent au créneau pour dénoncer la pénurie de médicaments. «Si les syndicats et les médecins sont des menteurs, est-ce que Ould Abbès traitera aussi de menteurs les malades qui se plaignent de la pénurie de médicaments ? Le ministre peut nous contredire et nous traiter de tous les noms, mais qu'en est-il des malades ?», s'est-il interrogé. Et d'ajouter : «Le problème est loin d'être réglé.» Le ministre de la Santé, rappelons-le, ne cesse de clamer, lors de ses sorties médiatiques, qu'«il n'y a pas de rareté de médicaments». Cri de détresse des malades Mercredi dernier, il avait dénoncé, à partir de la ville de Mila, pour la énième fois, toutes les personnes qui évoquent la pénurie de médicaments. Il a démenti catégoriquement l'existence de ce phénomène. Pour lui, les «rumeurs» relatives à une «pénurie de médicaments» procèdent d'une «campagne visant à contrecarrer les efforts de son département pour assainir le secteur des médicaments en Algérie». Il dira, dans ce sens, que «tous les médicaments utiles aux malades sont disponibles au niveau de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH)». Le ministre avait alors rappelé que l'Algérie a importé pour 720 millions de dollars pendant les quatre premiers mois de cette année dans le seul souci de veiller sur la santé des Algériens. «Ce montant est en hausse de 30% par rapport à la même période de l'année 2011», affirme Dajmel Ould Abbès. Sur ce point justement, les syndicats restent perplexes. Le paradoxe, selon eux, est que l'Algérie dépense de plus en plus d'argent pour les médicaments et ces produits sont de moins en moins disponibles. «Comment peut-on expliquer cette situation ? Où va l'argent du médicament ? Nous exigeons des comptes du gouvernement», lance le professeur Djidjli. Ce dernier précisera que tous les ministres qui se sont succédé à la tête du secteur de la Santé avaient pour défis, la réduction de la facture d'importation des médicaments et d'assurer leur disponibilité. «Sur ces deux défis, nos ministres ou nos gouvernements ont complètement échoué. C'est un échec criant, puisque, aujourd'hui, nous dépensons plus, mais le médicament n'est pas disponible !», fulmine-t-il.