Fini le temps où les femmes n'osaient pas investir des secteurs réputés masculins. Enterrée la période où elles ne pouvaient pas prendre la tête d'une entreprise. Une récente étude du Centre de recherche en économie appliquée et développement (Cread) - à paraître dans un ouvrage Informatisation des économies maghrébines - démontre que lorsqu'il s'agit d'une affaire de « survie », les femmes algériennes n'ont pas froid aux yeux. Beaucoup plus touchées par le chômage que les hommes (17,5% contre 14,9% pour les hommes, soit plus de 2 millions de femmes au chômage), elles rivalisent d'ingéniosité pour trouver une issue favorable à leur situation. Dans un ouvrage du Cread intitulé Travail et femmes en Algérie -à paraître prochainement-, la sociologue Djamila Belhouari-Musette souligne l'apparition d'un phénomène nouveau : l'entreprenariat se féminise. Cela tient surtout, indique-t-elle, à l'expansion du tissu des petites et moyennes entreprises D'après des statistiques de la Chambre nationale des commerces et industries pour l'an 2001, la féminisation de l'entreprenariat est enregistrée essentiellement dans les secteurs du textile, des affaires immobilières, des services fournis aux entreprises et des commerces dans lesquels les taux dépassent 15%. Les femmes s'intéressent beaucoup moins aux secteurs des transports, industries, bois et lièges, BTP, mines ainsi que l'agriculture. En tout et pour tout, le taux global de la féminisation de l'entreprenariat est estimé à 12,46%. Mais beaucoup de femmes algériennes se sont surtout investies dans le marché informel. Djamila Belhouari-Musette, qui a mené cette enquête sur ce thème en collaboration avec l'expert international Jaques Charmes, a noté que l'informel au féminin est « essentiellement lié aux stratégies de survie des familles et sa caractéristique principale est l'exploitation de ces travailleuses par l'employeur (leur salaire atteint rarement au maximum le SNMG), l'absence de protection syndicale et de couverture de la sécurité sociale ». Les activités féminines dans l'informel peuvent parfois causer des préjudices à l'économie. Certaines pratiques informelles des femmes peuvent carrément détruire le circuit formel à l'exemple du marché de l'or qui devient incontrôlable. L'Agence nationale pour la distribution et la transformation de l'or et des métaux précieux (Agenor) n'a commercialisé, pour l'an 2001, que 60 kg de la tonne traitée, tandis que la demande est estimée à 15 tonnes par an. La raison ? La majorité des 18 000 bijoutiers algériens et autres utilisateurs s'approvisionnent auprès des femmes de l'informel. Les activités des femmes qui exercent dans l'informel sont plus basées sur le trabendo, les cours privés, disc-jockey ainsi qu'une modernisation d'anciennes activités comme la fabrication de rechta, de dioul et des différentes pâtes. Fait curieux : les premiers clients des travailleuses de l'informel sont les femmes qui exercent dans le circuit formel. C'est que le nombre des femmes actives a beaucoup évolué, passant de 530 000 en 1989 à 1,4 million en 2005. Alors que dans les années 1990, les femmes travaillaient beaucoup plus dans le secteur public (90%), elles sont aujourd'hui assez nombreuses dans le privé (45,2% femmes contre 54,8% pour le public). L'on enregistre également une baisse importante (-70%) de femmes dans l'administration ainsi qu'une augmentation sensible dans l'industrie, qui passe de 12% en 1989 à 24% en 2003. Et tout porte à croire que le nombre de femmes entrepreneurs et de travailleuses est amené à augmenter dans les prochaines années.