L'héritier de l'expérience avortée de Carrefour en Algérie se lance de nouveau dans l'hypermarché. Et quoi de mieux que le mois sacré de Ramadhan et l'effervescence commerciale qui l'accompagne pour propulser la nouvelle enseigne. Le groupe, qui a eu à apprendre à ses dépens des problèmes induits par l'implantation d'un hypermarché Carrefour au centre-ville, a su cette fois étudier l'emplacement de sa nouvelle surface de grande distribution. Le centre commercial Ardis est ainsi implanté à proximité du Palais des expositions des Pins maritimes, à Alger. Excentré, il s'étend sur une superficie de 10 000 m2 et offre 5000 places de parking gratuit, sans toutefois trop s'éloigner du centre-ville. Dans la matinée de jeudi dernier, après un trajet de 20 minutes, on arrive aisément à trouver une place de stationnement. A peine hors du véhicule, nous sommes surpris d'abord par l'air marin, ensuite par la bâtisse qui s'étend de toute sa largeur sur un seul étage. Un dernier coup d'œil sur le sol afin de repérer son numéro de parking et ne pas se perdre au retour, et nous nous dirigeons vers l'une des nombreuses portes d'entrée. Une foule massée au sud de la bâtisse attire notre attention. C'est la réception de l'administration du centre. De nombreux jeunes gens, agglutinés à l'entrée, attendent d'être reçus à la direction des ressources humaines. Armés de CV pour certains et du seul espoir de rebondir pour d'autres, ils espèrent décrocher un emploi parmi les 1000 postes prévus par l'ouverture du nouveau centre. Anxieux, ils peinent à soutenir notre regard ou à répondre à nos sollicitations. Nous devons nous résoudre alors à rebrousser chemin et à continuer notre chemin vers la surface commerciale. Passé la double entrée, un hall assez large s'ouvre sur l'accès à l'hypermarché. C'est plutôt calme, ce matin-là. Connus pour ne pas se presser le matin en ce mois de jeûne, les éventuels acheteurs commencent à peine à arriver, le rush étant attendu pour l'après-midi. Cela nous permet de déambuler tranquillement entre les espaces. Rappelons que la surface est subdivisée en 5 grands ensembles : la section produits de grande consommation, celle consacrée aux produits frais, une autre au textile, une quatrième à l'électronique-photo-ciné-son et enfin le bazar qui concentre le commerce de divers produits de la vie courante. Nous avons d'ailleurs remarqué le problème d'étiquetage et d'affichage des prix relevés au lendemain de l'ouverture du centre, le 5 juillet dernier, qui a vite été corrigé. Certains couacs liés au démarrage persistent pourtant. C'est en tout cas l'avis de ce couple de fonctionnaires qui critique quelque peu l'accueil et le manque de formation du personnel ainsi que le peu d'informations claires dont le consommateur devrait disposer. Cela ne les empêche pourtant pas de se déplacer depuis Boumerdès car ils arrivent, ici, à trouver des produits spécifiques au régime de leur fille qui développe une intolérance au gluten, même si parfois ils doivent supporter les files d'attente au niveau des caisses. Séduire la clientèle à tout prix Mais rien de trop grave, pense de son côté un couple de retraités déjà fidèle à ce nouvel espace commercial. La preuve : il le fréquente une à deux fois par semaine et y dépense en moyenne 2000 DA à chaque fois. Les prix, les offres promotionnelles, les tombolas sur certains produits de large consommation (pâtes alimentaires, boissons gazeuses ou encore produits d'hygiène et détergents) réussissent à convaincre. Reste, selon le couple, à améliorer l'achalandage et à mieux informer le public sur les horaires de fermeture de la surface. Bref, ce n'est que le début, pense-il, d'autant qu'il appartient aux responsables d'apporter les correctifs nécessaires et aux citoyens de respecter les règles d'un tel espace. A la sortie de l'hypermarché, une quarantaine de boutiques ouvrent les bras à d'éventuels acheteurs. Leurs gérants déboursent en moyenne 1 à 4 millions de dinars de loyer pour les grandes surfaces, nous confie l'un d'eux. Malgré tout, les entreprises multimarques ont investi l'espace proposant vêtements, chaussures, cosmétiques ou encore gadgets en tous genres, car la clientèle est là et est accessible. De Brand Town à Must en passant par les franchises Adidas et Reebok, les vitrines déploient leurs atouts afin de la séduire. Une clientèle néanmoins plus encline, ce matin-là, à découvrir l'hypermarché, nouvel objet de curiosité dans l'Algérois, qu'à faire des emplettes. Rien ne décourage les gérants des magasins car la période des fêtes n'est plus très loin et les soirées promettent d'être animées. Il faut dès maintenant commencer à appâter la clientèle grâce à l'atout rapport qualité-prix susceptible de la faire revenir. D'autres comptent sur les avantages «fidélité» permettant aux clients de verser des arrhes sur les articles qui les intéressent ou comptent lancer des systèmes de paiement électronique ou de prélèvement automatique. En fin de matinée, les halls du centre commercial commencent à se remplir : des familles viennent s'approvisionner, des badauds pour satisfaire leur curiosité…, chacun y trouvant son compte. Mais manque de chance pour ce père venu distraire son fils à la piscine attenante au centre, l'aquaparc est fermé, ce jeudi-là, pour travaux. Reste pour lui à offrir une douceur à son bambin dans l'un des cafés restés ouverts à cet effet et faire un tour à l'hypermarché, histoire de ne pas perdre la matinée. Nouveau mode de consommation C'est déjà la mi-journée. De retour au parking, nous nous apercevons que celui-ci s'est rempli entre-temps. Nous nous dirigeons vers Bab Ezzouar et son centre commercial aujourd'hui bien connu des Algérois.La structure a eu le temps de faire ses armes et l'hypermarché Uno occupe 60% de la surface du rez-de-chaussée du centre. Dès l'entrée, dans le hall du centre commercial, une ligne interminable de caisses équipées de terminaux de paiement, auxquels sont adossés les files des clients tendant leurs emplettes à un agent chargé de les enregistrer, fait office de vitrine à l'hypermarché. Des flèches indiquent le chemin vers l'entrée. Là, une série de caddies est à la disposition de ceux qui voudraient en faire usage. Tout de suite, le rayon électroménager accueille le client. Appareils en tous genres, vaisselle, ustensiles de cuisine… tout est là pour séduire les consommateurs, d'autant que les offres promotionnelles sont affichées en caractères gras sur les pancartes suspendues au-dessus de nos têtes, de sorte qu'à chaque fois qu'on pénètre dans un rayon, on voit clairement de quelle nouveauté on pourrait profiter. De même, les réductions sont reportées sur l'étiquetage des produits. L'hypermarché nourrit l'ambition de fournir au client tout ce dont il a besoin et à petit prix. D'ailleurs, tout y est : fruits et légumes frais, produits frais de large consommation, hygiène et détergents, cosmétiques, habillement, bagagerie, multimédia, électroménager, linge de maison, etc. La machine est aujourd'hui rodée. Cela n'a pas manqué de séduire les consommateurs, à l'image de ce couple et ses trois enfants en bas âge flanqués dans un caddie. Fonctionnaires de leur état, ils viennent régulièrement de Saoula afin de faire leurs emplettes. Tous les 15 jours et encore plus souvent en cette période de vacances, nous confient-ils, car ici ils trouvent de tout et à des prix largement en deçà de ce qui se fait à l'extérieur. Ils tablent notamment sur les produits de large consommation, abondamment disponibles, d'autant que des employés de l'hypermarché s'affairent à longueur de journée à alimenter les étals. Les offres promotionnelles et tombolas à profusion pèsent également de tout leur poids et ne peinent plus à convaincre. Sans oublier les bons d'achat offerts grâce à un système de cumul de points mis en place récemment, histoire de titiller la concurrence. Un système qui semble satisfaire cette dame, quadragénaire, cadre, habitant le centre-ville d'Alger et qui fréquente le centre de manière bi-hebdomadaire ; à chaque fois, elle dépense entre 3000 et 8000 DA. Elle apprécie également le fait de tout trouver au même endroit et d'avoir la liberté de choisir ses produits et d'acheter selon ses besoins, ce qui n'était pas possible avant. Au-delà des prix, elle dit aussi apprécier la fraîcheur des produits et le respect de la chaîne du froid, qui n'est pas toujours garantie dans les petits commerces de quartier. Elle dit même avoir oublié ce que c'était qu'un marché traditionnel. Seul bémol : le parking payant dont les tarifs ne semblent pas recevoir l'assentiment des clients du centre commercial. En plus de l'hypermarché, les citoyens peuvent bénéficier des offres de 67 boutiques ainsi que de nombreux services, restaurants et loisirs que propose l'espace. Les marques en franchise comme Benneton, Jules, Le Tanneur ou encore Longchamp y ont élu domicile. Des espaces ont spécialement été aménagés pour occuper les enfants et permettre aux parents de profiter de leurs loisirs. Ascenseurs et escalators facilitent les mouvements d'un étage à l'autre et les DAB implantés un peu partout permettent des retraits bancaires à tout moment. L'environnement idéal pour consommer et dépenser sans compter, d'autant que les tarifs de certains produits sont beaucoup plus élevés qu'ailleurs. Bref, ces nouvelles surfaces ont inauguré un mode de consommation jusque-là réservé à certains pays. La liquidité du marché attire aujourd'hui les plus grandes enseignes. Reste aux consommateurs de prendre pleinement conscience de cette nouvelle culture et d'accompagner son engouement pour ces nouvelles surfaces par un sens civique susceptible de préserver ces espaces, mais aussi développer de nouvelles habitudes de gestion de leurs comptes. Car ces nouveaux avantages induisent forcément de nouvelles responsabilités.