Les films hollywoodiens ne sont pas nécessairement des productions divertissantes. Les films grand public peuvent aussi véhiculer des messages politiques. Syriana en est l'exemple. George Clooney est magistral dans son interprétation. Il faut s'accrocher dès le début. Le film est mené à grande vitesse, sans temps mort. Syriana se veut un film complexe. Cela se passe dans un émirat du Golfe. Le prince Nasir, réformiste et progressiste, las de la domination américaine, décide d'accorder les droits de forage de gaz naturel à une compagnie chinoise, au détriment du géant texan Connex Oil. Il vient de signer son arrêt de mort. Quel est le lien qui peut unir un prince, un avocat, un agent de la CIA, un courtier et un travailleur pakistanais ? Le pétrole, bien sûr. Connex rachète alors la petite compagnie Killen, une fusion qui attire l'attention du ministère de la Justice à Washington. Benett Holiday, ambitieux avocat du cabinet Sloan Whiting, veille au bon déroulement de cette opération douteuse. Bob Barnes, vétéran de la CIA qui se préparait à « pantoufler », se voit proposer une dernière mission : éliminer le prince Nasir. Bryan Woodman, expert en ressources énergétiques, se rend à un gala organisé par le prince Nasir. Son jeune fils meurt accidentellement lors de cette soirée. L'adolescent pakistanais perd son titre de séjour et découvre la religion. Syriana accumule plusieurs récits, impliquant de nombreux personnages. Filmé comme un documentaire, Syriana, en plus de la construction complexe, est déroutant par son ambition et son originalité. On reconnaît très vite la griffe du réalisateur Stephen Gaghan, oscarisé pour le scénario de Traffic. Cette année est plus riche pour George Clooney, qui a obtenu un oscar de second meilleur rôle pour son interprétation de Bob Barnes, un agent sur le retour. Farouchement opposé à la guerre en Irak, l'ancien médecin urgentiste remet au goût du jour les films à caractère politique. Il a fondé, avec le cinéaste Steven Soderbergh, Section Eight, société de production, il y a cinq ans. Cette année, ils ont produit deux films ouvertement politiques : Good Night and Good Luck, portrait d'Edward R. Murrow, journaliste qui a contribué à décrédibiliser l'anticommuniste McCarthy, et Syriana. Le film n'est pas tendre avec les groupes pétroliers ni avec les émirs du Golfe, les deux parties liées par des intérêts financiers communs. Dans l'une des scènes, le courtier, interprété par Matt Damon, dit au prince : « Vous savez ce que le monde retiendra de vous dans un siècle ? Vous viviez sous une tente puis vous avez eu le pétrole et êtes devenus riches. Et un siècle plus tard, vous en êtes toujours à la même place ! » Réplique du prince : « Dites-moi ce que je ne sais pas. » Et c'est parce qu'il refusait de voir son pays s'enfoncer encore dans la corruption et l'intégrisme, il décide d'ouvrir son pays à la transparence économique. Il rêvait de donner la parole aux femmes, d'instituer un parlement, de ne pas opprimer l'opposition... Bref, de choisir la démocratie. Mais les Etats-Unis ont d'autres plans. Et la démocratie n'est pas au programme. Le film est une lente descente aux enfers. Et la fin paraît annoncée, inéluctable.