Les sorties nocturnes à Mila, notamment dans les grands centres urbains, sont en passe de devenir un exutoire à part entière à des milliers de riverains, tous sexes confondus. Et, lorsque le mois de Ramadhan s'invite en plein milieu de la période estivale, la tentation d'une escapade après le f'tour devient carrément irrésistible. Chelghoum Laïd-centre by night, lundi 6 août 2012. Il est 22h45. Nous avons jeté notre dévolu en cette soirée caniculaire de début août sur l'un des plus bouillonnants boulevards de la ville, baptisé par l'opinion locale «La Corniche», ou encore «Zay El Hawa». Cette longue voie urbaine officiellement connue sous le nom de la rue Ahmed Bounaâs, tire sa notoriété de sa position favorable, car se trouvant en appendice de la «Cora», un prestigieux pôle commercial très prisé par la gent féminine. La première dénomination est inspirée, de mémoire collective, par l'idée que cette avenue, où il règne une effervescence indescriptible, surtout durant l'été, rappelle à bien des égards l'animation vespérale prévalant sur les belles corniches de front de mer. La seconde appellation tire son essence du constat établi que cedit tronçon cosmopolite, qui a la cote chez les mamies, les nanas, les coureurs de jupons et les barons de la débrouillardise, est l'endroit tout indiqué pour conter fleurette à une nénette, pour tenter une aventure idyllique, mais aussi pour commettre un larcin ou un coup fourré, c'est selon.Pour les amateurs de sensations amoureuses, les joyeux fêtards en goguette, en passant par les frimeurs de tous bords, les dragueurs invétérés et les maris volages, «La Corniche» ou «Zay El Hawa», (c'est du pareil au même), reste une destination à ne rater sous aucun prétexte. Décibels assourdissants Après la rupture du jeûne, la rue s'anime crescendo. Des pics paroxystiques de fréquentation de cet itinéraire sont enregistrés dès la fin de la prière des taraouih. Des jeunes en groupe, des promeneurs en solo et, dans une très large proportion, des mères et des pères de famille aux basques desquels colle une noria d'enfants en bas âge se livrent à d'interminables rushs pour le plaisir de se dégourdir les jambes, humer un peu d'air frais ou tout simplement faire du lèche-vitrines. Les magasins d'habillement pour enfants, de prêt-à-porter et les boutiques proposant des articles de ménage et des téléphones portables sont pris d'assaut. Les crémeries et les terrasses de cafétérias ayant pignon sur rue, ainsi que les étals crasseux de grillades ne désemplissent pas non plus. Au détour d'une virée pédestre réparatrice, rares sont les promeneurs, les couples et les noctambules à résister à la tentation de consommer des boissons rafraîchissantes, ou croquer un casse-croûte brochettes ou à l'escalope de dinde au niveau de ces bicoques qui fleurissent à chaque coin de rue. Les chefs de famille n'ont qu'à se plier aux sollicitations réitérées de leur progéniture, qui ne rate pas l'aubaine de demander à manger un sandwich, déguster une crème ou s'ébattre dans les manèges implantés le long de ce parcours. A voir ces centaines de femmes, jeunes filles et adolescentes déambuler de partout, l'on est près à jurer que les maisons se sont littéralement vidées de leurs occupantes (madame Eve s'entend). Un spectacle nocturne haut en couleur, en sensations et en décibels en tous genres : sono exubérante, pétarades, vrombissements impromptus de grosses bécanes, coups de klaxons assourdissants et tutti quanti. Au milieu de ce magma confus de centaines de personnes qui bougent, s'agitent et gesticulent, une engeance de dragueurs disgracieux et aux mines patibulaires, des ploucs et des nouveaux riches appelés dans le jargon local (bagarra), débarquant des localités environnantes, s'en donnent à cœur joie pour tenter de séduire les prostituées notoires, taquiner et faire les beaux yeux aux passantes et les filles de bonne famille. Toute cette partition endiablée se joue sur fond d'interminables va-et-vient de conducteurs de voitures rutilantes, de grosses cylindrées et de tacots. Les ébats folâtres de mineurs slalomant sur des patins au milieu de la chaussée et des cyclistes qui fusent de partout ajoutent une note incongrue à ces folles soirées ramadhanesques. Les clameurs intempestives se taisent au fur et à mesure que l'aube approche. Les lève-tard se décident à rentrer chez eux. Comme accompagnée par une douce berceuse, la cité s'endort peu à peu. Good night et saha shorkom ! Rendez-vous demain pour une autre nuit de galère.