Comme en 2011, ils sont venus nombreux, en famille, entre groupe d'amis ou d'étudiants, visiter les stands des 630 maisons d'édition représentant 41 pays. Une grande partie des visiteurs s'est déplacée de l'intérieur du pays. Des lecteurs sont même venus d'Adrar, de Ouargla et de Ghardaïa. Des milliers de kilomètres pour acheter des livres. Qui a dit que les Algériens n'ont plus la soif de lecture, ne s'intéressent plus à la culture ? Mis à part les grandes ou moyennes villes, le reste de l'Algérie, 50 ans après l'indépendance, est dépourvu de librairies. Cela est entouré d'une incroyable indifférence. Le réseau de l'ex-Société nationale d'édition et de diffusion (SNED) a disparu. Les librairies sont parfois «englouties» dans la vente de fournitures scolaires ou parascolaires, de tabac ou autres accessoires. Il faut réinventer le métier de vente du livre. L'Etat, avec les éditeurs et les libraires sérieux, devrait, en urgence, ouvrir un chantier pour doter le pays d'instruments modernes de distribution du livre. C'est un secteur «recruteur» d'emplois aussi. Seules, Alger, Constantine ou Oran ne peuvent pas «faire» un best-seller. Il est nécessaire de revoir tout ce qui ne fonctionne pas dans le réseau pour qu'un livre à succès à Alger soit disponible au même moment à Tamanrasset, à Saïda ou Blida. Beaucoup parmi les visiteurs du SILA sont venus «faire le plein» de livres, un «approvisionnement» pour l'année. D'où un achat en masse. Les adeptes du «marché noir» n'ont, bien entendu, pas manqué de faire le déplacement, eux aussi. Ils ont ciblé les ouvrages religieux, les livres techniques et universitaires. Ils vont les revendre, pas forcément dans des librairies, à double ou triple prix. «L'informel» culturel existe aussi ! Contrairement aux années précédentes, le livre religieux n'a pas réuni tous les suffrages. Il y a une tendance claire à la baisse. Difficile d'expliquer cette régression, même si le lectorat demeure assez important pour ce genre d'ouvrages. Le phénomène nouveau au SILA est le retour en force du roman. Cela a été constaté chez toutes les maisons d'édition. Le français Gallimard, avec sa collection Folio, a fait de bonnes affaires malgré les prix élevés et la très petite réduction de 10%. Aux éditions algériennes El Ikhtilaf, le jeune romancier Samir Kacimi a fait sensation avec son dernier livre, Al Halim (Le Rêveur). Idem pour Bachir Mefti, Amine Zaoui, Yasmina Khadra, Mohamed Benchicou, Hajder Kouidri, Waciny Laredj, Fadéla Merabet et Hafid Derradji. Des livres parus chez El Ikhtilaf, Barzakh, Casbah, Koukou, Dar El Djamal, Dalimen et Echourouk. Les ouvrages d'histoire caracolent toujours en tête du hit-parade des ventes. Les récents ouvrages de Daho Djerbal, Hamid Abdelkader, Corinne Chevalier, Claude Juin, Akli Benmansour, Sylvie Thénault, Gilles Manceron n'ont pas laissé indifférents le public. Il reste que les grands acteurs de la guerre de Libération nationale ont brillé par leur absence, en dépit de la célébration par l'Algérie des 50 ans d'indépendance du pays. Les Mémoires de Chadli Bendjedid ne seront prêts qu'à la mi-octobre 2012, alors que l'ex-président de la République aurait pu être «la star» du SILA. Le Salon a été marqué aussi par beaucoup de débats, tables rondes, conférences… L'éparpillement des salles Ali Mâachi, Moufdi Zakaria et celle de la direction générale de la Safex n'a pas facilité la tâche au public. La mauvaise signalétique a fait que souvent, les salles étaient peu remplies malgré l'importance et la qualité des intervenants. Il serait utile de doter le SILA, pour les prochaines éditions, de bureaux d'information à l'entrée des pavillons pour mieux orienter les visiteurs. L'utilisation des affiches, flyers et annonces sonores doit être complètement revue pour que les messages soient mieux transmis. Le manque de climatisation au niveau du Pavillon central n'a aucune explication. Il en est de même pour le non-nettoyage autour des lieux de restauration durant la journée. Le commissariat du SILA doit penser à éditer les ouvrages des écrivains et auteurs choisis pour les hommages. Les jeunes rencontrés au SILA ne connaissent presque rien de Ahmed Réda Houhou ni de Mouloud Feraoun. Rééditer des romans tels que Ghada Oumou El Qora ou Le Fils du pauvre et les mettre en vente à des prix symboliques aurait contribué à rapprocher ces deux auteurs – les seuls écrivains algériens tués par le colonialisme français – des jeunes lecteurs. Que la leçon soit retenue pour l'année prochaine. Autre chose : il faut peut-être penser à ouvrir le Salon du livre durant la nuit. Rien ne l'interdit. Le Palais des expositions est doté de tout (éclairage, restauration, sécurité, station tramway), cela peut permettre au public d'être plus à l'aise et d'éviter les bousculades de fin de journée. La porte entre l'hôtel Hilton, où sont hébergés les invités du SILA, et le Palais des expositions doit être ouverte. Les raisons de sécurité invoquées par les autorités de la wilaya d'Alger n'ont aucun sens. Cela faciliterait la fluidité de la circulation et le travail tant à la presse qu'aux conférenciers du Salon. On doit une fois pour toutes sortir de la logique du «tout fermé».