Eric Hobsbawn est mort ce lundi 1er octobre des suites d'une pneumonie au Royal Free Hospital à Londres, à l'âge vénérable de 95 ans. Il était né en juin 1917 à Alexandrie, dans une famille juive d'Egypte. Celle-ci immigra en Autriche, où le petit Eric fut scolarisé à Vienne. La famille ira ensuite en Allemagne, à Berlin, en 1931, où elle fut vite confrontée à l'antisémitisme lorsque les nazis accédèrent aux commandes du pays. 1933, nouveau départ, destination Londres cette fois-ci. Hobsbawn a eu une vie bien remplie. C'est dans la capitale britannique qu'il accédera à la notoriété en tant qu'historien et analyste politique remarquable grâce à un esprit vif, à un acharnement au travail toujours renouvelé et surtout à un engagement à gauche jamais démenti jusqu'à sa mort. En 1936, à 17 ans, il adhère au Parti communiste britannique au moment où il s'engageait dans des études d'histoire à Cambridge. Plus tard, il quittera ce parti, mais son adhésion aux côtés des plus humbles demeurera la même et il continuera à collaborer à la revue londonienne Marxism Today. Il le confirmera avec force dans un ouvrage, L'Age des extrêmes qui fera date et sera traduit dans près de quarante langues. Ce livre qui traite du XXe siècle, considéré par lui de «court» parce qu'il le situe entre 1914 et 1991 comparativement au long XIXe siècle, soit le temps des révolutions, à compter de 1789. Eric Hobsbawn, en universitaire averti, a écrit sur nombre de sujets et, en intellectuel accompli, a pris position contre les situations de domination et notamment celles imposées par les empires. Le 21 mai 2009, il disait dans une interview publiée par le quotidien français l'Humanité : «La faillite du programme de George Bush et des néo-conservateurs était à prévoir. C'est l'échec de la tentative d'établir un empire mondial, une hégémonie absolument unilatérale, fondée uniquement sur la puissance, l'influence, la richesse des Etats-Unis sans tenir compte de quiconque. Cela manquait même de réalisme. Une sorte de mégalomanie militaire a saisi l'Administration américaine depuis l'élimination de l'Union soviétique.» Il interviendra sur d'autres thèmes tels la nation, le nationalisme, le terrorisme et sera l'invité d'institutions universitaires prestigieuses. Honnête, marqué par une rectitude sans faille, Hobsbawn a marqué et va continuer à marquer des générations d'universitaires et, grâce à sa «pensée-monde», il va encore et pour longtemps rayonner sur les esprits libres et généreux.