Salle Ibn Khaldoun, au pied du Palais du gouvernement, avenue du Docteur Saâdane. Le concert des deux groupes Djmawi Africa et Zahrat Erimale draine du monde. L'entrée est à 200 DA. Dans le hall de la salle, les fumeurs et les policiers occupent l'espace. Sur scène, Djmawi Africa a du mal à occuper la scène. La sono mal réglée semble dresser un mur entre les subtilités musicales et le public. N'empêche. Le public, jeune, chèches obligatoires, se défoule. Le gnawi marche. C'est peut-être parce qu'il s'agit d'un segment identitaire non encore conflictuel. L'une des versions historiques explique qu'un prince marocain, qui a conquis plusieurs pays d'Afrique, a attribué le nom de Gnawi aux peuples qu'il a amené au Maroc et soumi à l'esclavage. Les Gnawa avaient interdiction de chanter. Chose qu'ils ont fait dès leur libération en 1558. Leurs pays d'origine sont le Ghana, le Mali, le Nigeria, le Sénégal et le Soudan. Voici une partie de notre héritage. L'historien Mohamed Harbi avait à maintes reprises dit qu'il fallait renouer avec notre identité africaine tout en prévenant contre les relents racistes maghrébins antinoirs. Cela aussi, il faudra y revenir. Il faudrait probablement aussi que les sociologues s'intéressent à la mode gnawi. A sa résurgence qui coïncida avec le début de la fin de la guerre, Djmawi Africa innove avec des mixages de type ethno. Mais souvent pêche par un mimétisme imposé par la mode chèche-Timimoun-gnawi. N'importe. Les jeunes, pour la plupart des étudiants, sont venus danser, se défouler, draguer, s'évader un soir de leur quotidien. Un comédien dans l'assistance se demande si toute cette énergie pouvait servir pour une révolution. Personne ne répond. Sur scène, karkabou, tbel, guitare acoustique, guembri... Le second groupe, Zahrat Erimale, verse dans le patrimoine béchari. On reprend Gaâda de Béchar, Ferda ou autres. Mais ça fonctionne. Dans la fosse, les jeunes se déhanchent de plus belle. Une caniculaire sensualité se dégage du rythme. Le chanteur tente une diversion chaâbi en entonnant Chahlat laâyani, manière de plaire peut-être au public algérois. On cède la sensualité pour recourir au sentimentalisme. Le morceau Benbouziane est demandé par le public. Pourquoi pas. Scène de transe. Le concert s'achève dans la nuit et la pluie, l'état d'urgence et l'absence de transport urbain. Le festival Les nuits du Gnawi, organisé par Arts et culture, se poursuit aujourd'hui avec les Gnawa Sidi Bilal de Aïn Sefra et Noujoum Essaoura de Béchar. Aujourd'hui, ce sera le tour de Mohamed Rouane et d'El Ferda qui nous viennent de Knadsa-Béchar. A vous karkabous : rtchag, rtchag, rtchag...