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«Le Mujao entretiendrait des relations avec les services secrets marocains»
Abdelkader Taleb Omar. Premier ministre sahraoui
Publié dans El Watan le 25 - 10 - 2012

Dans cet entretien qu'il nous a accordé conjointement avec Le Jeune Indépendant, le Premier ministre de la RASD, Abdelkader Taleb Omar, a estimé que la position du nouveau président français, François Hollande, diffère de celle de son prédécesseur, qui était complètement aligné sur le Maroc. Quant au gouvernement espagnol, il reste, selon lui, sur des positions contradictoires. S'agissant de la prochaine
tournée de Christopher Ross dans la région, M. Taleb Omar veut qu'elle soit une visite de confirmation quant à la base des négociations selon les résolutions des Nations unies. Il fait endosser de lourdes accusations au Maroc en affirmant que les autorités sahraouies détiennent des informations faisant état de relation entre le Mujao et les services secrets marocains.
-Christopher Ross sera en tournée dans la région, notamment dans les camps des réfugiés sahraouis, prochainement. Concrètement, qu'attendez-vous de cette visite ?
Nous voulons qu'elle soit une visite de confirmation quant à la base des négociations selon les résolutions des Nations unies, donc avoir comme finalité le référendum d'autodétermination et non pas la logique à sens unique du Maroc, qui veut imposer le statu quo au niveau de la Minurso (mission des Nations unies pour un référendum au Sahara occidental) et du processus de manière générale. Car dès que le Maroc a constaté la volonté de la communauté internationale d'élargir les prérogatives de la Minurso et que l'ONU a commencé à se pencher sur la position sahraouie basée sur le référendum englobant les trois voies, il s'y est immédiatement opposé en retirant la confiance à M. Ross. Un retrait de confiance survenu trois semaines après l'adoption de la résolution du Conseil de sécurité où le Maroc est pourtant membre non permanent ! Ce qui est à retenir, c'est que M. Ross revient renforcé par la confiance que lui ont renouvelée l'ONU et la communauté internationale.
-Peut-on savoir quels sont les points qui seront au menu des discussions avec le médiateur onusien et a-t-il inclus les territoires occupés dans sa tournée ?
Nous ne savons encore rien, le programme de cette tournée n'a pas été arrêté.
-Peut-on considérer M. Ross comme la dernière chance pour trouver une issue avec l'actuel processus de négociations ?
Il est difficile d'affirmer cela, car tout conflit a une issue et notre combat qui dure depuis 40 ans prouve la puissance profonde de notre cause. Nous constatons donc que le retour de M. Ross est un redressement d'une situation que le Maroc a essayé de torpiller. Par contre, nous pensons que M. Ross a été la dernière chance pour le Maroc. Car c'est un coup dur pour ses tentatives de faire passer son projet d'autonomie dont la fin a donc sonné et que même la France qualifie désormais de projet en stagnation.
-Justement, le président Hollande a réagi à la question, qualifiant le plan marocain d'«intéressant mais qui n'avance pas». Comment la partie sahraouie accueille-t-elle ces déclarations ?
Les déclarations du président français, même entachées d'ambiguïtés, peuvent exprimer la fin de ce qui est appelé le plan d'autonomie marocain. En tout cas, la position du nouveau Président diffère de celle de son prédécesseur, complètement aligné sur le Maroc. M. Hollande semble essayer de corriger certaines choses dans la politique maghrébine de la France. Les Sahraouis continuent de croire que la France peut évoluer dans le sens de la légalité internationale.
-Mais en face, le ras-le-bol de la jeunesse sahraouie quant à une solution politique est patent !
En tout cas, pour l'instant, c'est la partie marocaine qui se plaint et souffre de ce processus de paix. Dès lors, il ne faut pas se lamenter et freiner les efforts à l'image de notre ennemi. Nous devons au contraire encourager et faciliter, et non pas fermer les portes tant que le processus n'est pas dévié, surtout que nous nous dirigeons vers le renforcement de la Minurso et du processus de négociations sur des bases concrètes.
-Comment votre gouvernement juge-t-il la position de l'ancienne puissance coloniale, l'Espagne, une année après l'arrivée de la droite au pouvoir ?
La droite espagnole soutient la question sahraouie, particulièrement dans l'opposition. Dernièrement encore, le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, a réaffirmé aux Nations unies le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Mais de l'autre côté, dans certaines de ses positions, l'Espagne tente de faire plaisir au Maroc, notamment en procédant au rapatriement des humanitaires espagnols des camps de réfugiés sahraouis sous prétexte de crainte d'enlèvement. Donc le gouvernement espagnol demeure dans des positions contradictoires.
-Terrorisme, drogue, insécurité dans la région du Sahel… Que fait le Front Polisario pour y faire face ?
Après le rapt de trois humanitaires européens des camps des réfugiés en octobre 2011, le Front Polisario a instauré certaines mesures et mobilisé des troupes pour sécuriser les camps et leurs alentours.
Nous avons aussi augmenté le nombre des éléments des services de sécurité. Car nous savons que le Maroc en tant que producteur et exportateur de la drogue est le financeur des groupes activant au Mali et est le véritable promoteur de ce qui est appelé le Mujao. Cependant, avec la mobilisation internationale pour éradiquer ces fléaux au Sahel, ce sera l'échec de cette politique marocaine dans la région.
-La sécurité des camps devient donc un enjeu majeur…
Le Maroc compte beaucoup sur la situation interne du Front Polisario. Il joue sur l'impatience des jeunes en faisant tout pour isoler les camps des aides et soutiens humanitaires et créer ainsi une situation de psychose et en même temps détourner l'attention de l'opinion sur les révoltes qui secouent les territoires occupés. Mais cette longue manœuvre ne lui réussit pas. Actuellement, nous avons plus de 250 étrangers, en dépit de la crise économique qui sévit en Europe.
-Depuis quand le Front Polisario a établi qu'il existe une relation entre le Mujao et le Maroc ?
Ce n'est un secret pour personne que les fondateurs du Mujao sont des narcotrafiquants et que le Maroc est le premier producteur de cannabis. L'Europe lui a fermé ses portes du côté nord. Maintenant, il essaye d'exporter vers le Sud et l'Est avec l'appui de groupes du nord du Mali. Le Maroc leur fournit la drogue et leur demande des services en les finançant avec cette même drogue. La question est de savoir pourquoi les ravisseurs ont parcouru 2400 km avec tous les risques qu'ils encouraient, pour s'en prendre aux humanitaires alors que des villes situées à 200 km, comme Gao et Tombouctou, connaissent des affluences importantes de touristes.
D'ailleurs, les ravisseurs ont exhorté les otages relâchés à ne plus revenir dans les camps. Cela veut dire qu'ils travaillent pour un agenda particulier d'un pays qui n'est autre que le Maroc. L'objectif du Maroc est donc de donner une impression d'insécurité, de désordre et de peur qui règneraient dans les camps de réfugiés. Malheureusement, le gouvernement espagnol est tombé dans ce piège en essayant de retirer ses ressortissants des camps.
Nous avons aussi des informations qui affirment que les dirigeants du Mujao visitent régulièrement le Maroc.
L'un d'entre eux n'est autre qu'Echaffaî, recherché par Interpol et la Mauritanie, qui possède beaucoup de biens au Maroc.
Donc les preuves sont nombreuses sur les relations qu'entretient ce groupe avec les services secrets marocains. Je vous rappelle que la création du Mujao est survenue juste après le rapt des trois humanitaires...


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