Izuran (racines) aborde l'histoire, notre histoire commune au sens ethnologique du terme. L'auteur rend compte, à travers une palette de personnages, de la dynamique de notre processus d'évolution, même si sa continuité n'est pas absolue. Le lecteur assiste ainsi au dévoilement progressif des conflits et des désirs (de nos ancêtres) au risque d'éprouver un sentiment d'étrangeté culturelle ou de voir toute son attention concentrée sur les traits d'une personnalité « insolite », sur l'« étrangeté » des coutumes culturelles. Cependant, au fur et à mesure qu'on s'implique dans le combat des personnages à se réaliser, nous prenons inévitablement conscience de la qualité humaine universelle de ce combat et il se découvre sous nos yeux que les personnages en question sont finalement très semblables à nous. En somme Fatéma Bakhaï, dans Izuran, a utilisé judicieusement d'ailleurs tous nos insights culturels comme des leviers à une aventure intellectuelle consistant à explorer de nouveaux modes de penser et d'expériences. Une saga qui commence, si on laisse de côté nuances et détails, tel un conte à l'intérieur des plaines, celles qui correspondent le mieux à nos ancêtres. Elle opère, sans complaisance aucune, une introspection dans notre inconscient collectif pour faire émerger et partager le quotidien de « Longues jambes » et « Poil-rouge », deux personnages ancestraux, parmi tant d'autres. Dans leur quête d'affirmation de soi, le lecteur s'initie à travers une palette de personnages à une saga où l'apprentissage, l'acquisition des connaissances, l'utilisation des matériaux s'inscrivent dans une éternelle dynamique. C'est ainsi que Izuran retrace le cheminement de l'accomplissement de l'être dans sa dimension humaine au sens le plus large. De l'appropriation d'un nom au désir de l'autre en passant par la découverte de contrées de plus en plus lointaines de sa plaine nourricière. Izuran, « roman des origines et minutieuse convocation des ancêtres, le récit a été écrit avec un talent étonnant, enrichi par une recherche et une érudition rares et restitué par une écriture si sereine qu'on la soupçonne d'être née d'une réconciliation avec soi-même. »