l'Entreprise du métro d'Alger, on pense déjà au prix du ticket à appliquer sur la première ligne du « métropolitain ». « Il sera, selon certaines évaluations, d'environ 25 dinars. » « On projette aussi, dira M. Zendaoui, DG adjoint de l'EMA, des ‘‘extensions'' et réalisation de ‘‘nouvelles lignes'', voire même sa future mise en ‘‘concession''. Non pas qu'ils fantasment, les responsables, mais parce qu'ils se savent déjà un pied dans l'après première phase de la première ligne. Aussi sceptiques que nous étions avant, la vue des titanesques chantiers mis en ouvrage par des entreprises algériennes, Cosider et Genisider, et Gaama, groupement d'entreprises algéro-allemand, nous a foncièrement changé de vision. L'œuvre réalisée jusque-là est tout simplement démesurée. » C'est du puits d'attaque d'El Hamma que notre visite « guidée » par M. Annadi, ingénieur et responsable de la station Amirouche, est engagée. Accrochée à une grue, la louche nacelle où on s'était engouffré à plusieurs, nous plongeait 20 mètres sous terre, au fond du puits, au cœur du métro et peut-être même dans la réalité du métro, du projet « fantôme » qui a bercé une génération d'Algériens, autant résolus ces derniers temps à en faire un parfait sujet de raillerie qu'un rêve à l'accomplissement possible. Première surprise au puits, où une trentaine d'ouvriers et ferrailleurs s'affairent, les mines rouillées, comme des succubes à préparer les mastodontes armatures de fer, mais pas l'ombre d'un « Chleuh », même pas un petit bout d'Allemand zonant dans les parages. Mais où sont donc passés ceux dont la réputation inattaquable de travailleurs acharnés et, qui plus est, ont la charge de réaliser le plus barbant des projets algérois ? « Les ouvriers comme l'encadrement sont des compatriotes, les ingénieurs et contremaîtres allemands ne viennent que s'il y a nécessité », dira, le mot « fier », le chef du chantier. Du puits, on rejoint à pied sur des centaines de mètres de tunnel, la station complètement achevée de travaux d'El Hamma. Celle-ci a été construite entièrement par Cosider. Le responsable de la station (17 ans passés dans les chantiers du métro) nous explique qu'elle est composée de deux niveaux, le premier accueillera la salle de billetterie et le second, les quais, avec des axes Nord et Sud. Le tunnel reliant El Hamma au Jardin d'Essais est d'une longueur de 718 m. Les dimensions du tunnel : 9 m d'ouverture interne et de même pour sa hauteur, permettent la circulation de deux trains en double voies. « Nous serons dans les temps » Pour ce qui est de l'intégration dans la conception des structures de l'élément de sismicité, Annadi rassure : « Des dispositions ont été prises », affirme-t-il. Il fera remarquer par ailleurs que « les constructions enfouies sont moins exposées aux tremblements de terre ». Pour parer à cet élément « des joints spéciaux, les water-stop qui prennent du radier et font tout le tour de la voûte ont été prévus entre les sections de tunnels », affirme le technicien en génie civil. « Pour les tunnels et les ouvrages d'art, il n'y a pas de réglementation sismique. Le ministère des Travaux publics et en train d'essayer d'élaborer des règles en ce sens », nous révèle à ce propos M. Hadibi, directeur des infrastructures à l'EMA. De la station d'El Hamma, nous revenons sur nos pas, arpentant toute la longueur du tunnel pour nous diriger vers la station Jardin d'Essais, « harcelée » au quotidien par deux équipes formées de 165 travailleurs. « Nous avons assez de personnel pour exécuter les tâches exigées et nous n'avons nullement rencontré de contraintes techniques (...) nous nous acheminons tout droit vers le respect du délai imparti et livrer la totalité des travaux de génie civil, soit au 31 juillet prochain », rend compte le responsable du chantier, M. Bakir. Pour ce faire, ajoute-t-il, « nous travaillons 24h sur 24, avec deux brigades qui se relaient toutes les 12 heures ». Le personnel ouvrier, nous indique-t-on, est dans son écrasante majorité contractualisé. « Des contrats de trois mois renouvelables », confie un agent de prévention. Le recrutement se ferait en fonction des besoins et du capital expérience. « Cette infernale cadence, n'est-elle pas la cause des nombreux accidents survenus dans les différents chantiers ? » « Bien sûr », répondent discrètement des ouvriers. « Ici, si vous faites une chute, c'est soit la mort en bout de course, soit vous êtes bon pour la chaise roulante », se permettra subrepticement un tâcheron, entre deux furtifs coups d'œil jetés à ses contremaîtres. Les accidents - parfois très graves - sont légion, attestent les travailleurs. Les responsables de l'EMA (Entreprise du métro d'Alger) déclarent néanmoins n'avoir jamais « déploré de morts ». « On a tous une couverture médicale et la gestion du personnel se fait conformément au Code du travail », assure en sus Bakir. Pour lui, travailler 12 heures par jour permet à la fois aux entreprises de respecter les délais de livraison et aux travailleurs de gagner davantage en enchaînant les heures supplémentaires, dont le nombre, dit-il, est « illimité ». C'est ainsi que l'ouvrier arrive à plus que doubler son traitement (le salaire de base de cette catégorie de travailleurs demeure modique, 10 500 DA, (Ndlr, 500 de plus que le SMIG). Cette station est réalisée selon la méthode autrichienne des parois moulées, la NTM, que le groupement Gaama a appliquée également ailleurs, dans d'autres stations, comme celle des Fusillés. Le groupement Gaama réunit, rappelons-le, une entreprise allemande : Dywidag International, et deux entreprises nationales : Cosider et Infrafer. Un parking souterrain est aussi envisagé. « On attend uniquement le quitus de la tutelle », nous dit-on. Un tunnel de 1000 m de longueur et de 25 m de profondeur, relie, sous la rue Belouizdad, cette station à celle des Fusillés. Ce tronçon, aux dires des techniciens de l'EMA, est truffé de « difficultés » eu égard à la nature du terrain. Il est fait essentiellement de marne humide. Il a fallu, à ce titre, canaliser les venues d'eaux pour exécuter les excavations. « Nous sommes au même niveau que les Allemands » A la station Amirouche, où on s'était rendu...en voiture, tracé de visite oblige, point de différence, la même activité avec le même tempo endiablé : 12h heures de labeur par jour, même les jours fériés, et on nous rapporte que malgré cela, les « volontaires » sont toujours aussi nombreux et « se bousculeraient » même au portillon. Il s'agit surtout de faire vite et « en finir » définitivement avec ce chantier aux désagréments séculaires, et si possible avant la fin juillet. « Nous sommes 95 travailleurs et nous serons dans les temps », dira Hachemi, responsable dudit chantier. De « l'apport allemand », Hachemi dira qu'il est beaucoup plus « logistique » et « matériel », « excepté ça, se grise-t-il, nous sommes au même niveau qu'eux » . Cité comme étant, par le passé, un des empêchements majeurs à l'avancement des travaux de construction du métro, (en plus du problème des expropriations qui a prit plus de dix ans) l'approvisionnement des chantiers en matériaux de construction ne serait plus qu'un mauvais souvenir. « Nous n'avons jamais de rupture de matériaux, sauf en période d'été quand la cimenterie de Meftah ferme », nous affirmera Annadi sur la route qui nous conduit à la station terminus de Haï El Badr, la seule construite en surface. Une gare routière est construite à côté, quelques baraquements aussi. Un peu plus loin et à l'appendice de cette première ligne de métro, les ateliers de maintenance, entièrement achevés de construction. Œuvre de Batimetec et Cosider. Un bout de voûte émerge du ventre de la terre du lotissement Michel. Il est midi passé, des essaims d'ouvriers s'expulsent des entrailles sombres du métro pour se nourrir d'autre chose que de la fine poussière qui peuple les lieux. La ventilation des tunnels sera assurée à la mise en service du métro, par un renouvellement d'air mécanisé, à travers des ouvrages verticaux reliant les tunnels à la surface et implantés en inter station. Nous avançons dans le tunnel de Haï El Badr à la rencontre de la première équipe d'ouvriers, et c'est enfin là qu'on croise les premiers allemands sur les chantiers du métro (on nous informera par la suite que sur les 2000 personnes travaillant pour le métro, 50 seulement sont de nationalité allemande, Ndlr). « Ils sont mieux pris en charge, habitent des villas louées à Chéraga et sont payés 15 ou 20 fois plus que nous », nous diront certains employés. « C'est normal », justifie Annadi, « la société allemande applique la réglementation de son pays » évidente jusque-là, mais le contraste demeure assez saisissant. La rémunération prend des couleurs nationales et c'est selon le pays d'où l'on vient que le salaire est fixé et non en fonction de la teneur de l'effort lui même : Trop visible l'inégalité pour la faire passer sous tunnel ! L'ingénieur des travaux, M. Belbouab, présent sur le chantier, surveille de près l'injection du béton armé dans les parois du tunnel : « Nous avançons de 10 m par jour ». Il explique qu'il ne reste à réaliser que 60 m de radier et 200 m de voûte pour faire la jonction avec la station Mer et Soleil. » « Encore un mois de travail », estime l'ingénieur. De là, nous rallions la station de correspondance de la Grande Poste (la ligne Une et la future ligne deux du métro s'entre-croisent à cet endroit). La station est achevée à 100% depuis l'année 2000. Réalisée par Génisider, elle est construite sur 5 niveaux, 115 m de long et 27 m de profondeur. M. Abederrazk, qui tient un point d'information sur le métro dans l'enceinte des galeries souterraines raconte, avec passion, les péripéties qu'à connu le projet et ne manquera pas d'évoquer, à maintes reprises, les sacrifices des travailleurs du métro. « Il faut y croire ! », exhorte-t-il. En cours d'achèvement, la station Khelifa Boukhalfa devrait théoriquement être livrée fin 2005. D'une réalisation complexe (deux tiers en souterrain et un tiers en plein air), la station endure l'exiguïté des lieux et la nature du sol, de la roche bleue, intraitable à tout égard. L'interdiction de l'usage d'explosif en 1994 y est en tout cas pour beaucoup dans le ralentissement des travaux. Sur les lieux, un représentant du bureau d'études LNHC, conventionné avec l'EMA et dont la charge est de vérifier la qualité du béton utilisé. « On a l'obligation de tout contrôler », souligne le représentant. Les autres stations situées sur ce tracé sont pratiquement toutes terminées, à l'image des stations du 1er Mai et de Aïssat Idir où restent uniquement à effectuer des travaux d'étanchement. L'EMA ambitionne de développer le réseau, en réalisant à l'horizon 2010/2011 trois extensions, à savoir : Tafourah vers la place des Martyrs, et de Haï El Badr en direction d'El Harrach et de Aïn Naâdja. D'ici là, prenez votre mal en patience et surtout arrangez-vous pour reste en vie !