Revoir Berlin pour couvrir la Berlinale au mieux de sa forme, et subir comme hors-d'œuvre l'offensive du froid sibérien, en attendant peut-être le chef-d'œuvre. Berlin (Allemagne) De notre envoyé spécial Vivement attendue par la communauté du 7e art qui a envahi la Postdamer Platz, cœur très élégant du festival, la Berlinale affiche cette année des centaines de films de tous horizons. En quittant le quartier de Tiergarten et du Zoologisher Garten, la manifestation a planté ses racines dans ce qui fut le centre historique de Berlin des années 1920, aujourd'hui, totalement refait, transformé, avec des palaces, des salles de cinéma et des gratte-ciel magnifiques et spectaculaires. En compétition, 24 œuvres dont les auteurs, surnommés ici les «chasseurs d'Ours», sauront le 16 février prochain s'ils ont conquis l'une des couronnes, les deux statuettes d'Ours d'or et d'argent, debout, les pattes levés... A priori, la Berlinale offre cette année une solide sélection. Gold, long métrage de fiction de l'Allemand Thomas Arslan (d'origine turque), avec la grande actrice Nina Hoss, est un western tourné au Canada et qui raconte l'épopée d'un groupe d'Allemands embarqués, en 1890, dans la «ruée vers l'or». Bivouacs la nuit autour de feux de bois, traversée à cheval de rivières en crue, cache-cache dans les montagnes avec les Indiens et les hors-la-loi à la gâchette facile... La France, de son côté, a envoyé trois films. Camille Claudel 1915, de Bruno Dumont, avec Juliette Binoche, remake du film tourné en 1988 avec Isabelle Adjani. Durant l'hiver 1915, Camille Claudel, jeune sœur de l'écrivain Paul Claudel, est enfermée par sa famille dans un asile psychiatrique du sud de la France. Chronique d'un éloignement forcé, drame et souffrance d'une artiste de grand talent. La Religieuse, de Guillaume Nicloux, avec Isabelle Huppert, connaîtra-t-il le même sort que le film de Jacques Rivette qui date de 1967 ? Sous la pression du Vatican et de groupuscules catholiques, le film de Rivette avait été censuré. Au XVIIIe siècle, une jeune fille que ses parents ont forcée à entrer au couvent, se révolte pour avoir été sévèrement punie et enfermée. Elle s'évade, retrouve la liberté loin de l'étau familial. Made in France aussi, Elle s'en va, long métrage d'Emmanuelle Bercot, avec Catherine Deneuve. Sur les désarrois d'une femme qui décide de tout lâcher suite à un chagrin d'amour. Elle part sur les routes de France pour un long périple, retrouve son petit-fils, ce qui lui fait oublier sa peine et lui redonne le courage de vivre. D'autres productions certainement dignes aussi d'intérêt participent à la chasse à l'Ours... Le remake (encore un !) de High Noon, le western classique de Fred Zinneman, mis en scène par le Russe Boris Khlebnikov. L'agenda quotidien d'une collégienne de Séoul filmé par le Sud-Coréen Hong Sang Soo. Le thriller sud-africain fait par Pia Marais sur la vie qui bascule d'une employée d'un casino accusée de meurtre. La section «Panorama» montrera des œuvres politiques, d'inspiration libre. Art/Violence se passe à Jénine, film de Mariam Abu Khaled, Batout Khaled et Udi Adoni. Le 4 avril 2011, le metteur en scène Juliano Meir Khamis a été assassiné devant son théâtre, The Free Theatre. Pour lui rendre hommage, ses acteurs ont créé un spectacle et un film. La pièce est aussi montée au théâtre Shawbuhn de Berlin. Le public berlinois se rend en grand nombre dans une salle mythique de la capitale : Delphi Palast, située tout près de la Kudam, l'artère prestigieuse de Berlin. C'est au Delphi que passent les films du «Forum», l'autre section de la Berlinale. Le Forum projette des films d'art et essai. C'est un programme sans frontières, multi-ethnique que les cinéphiles berlinois apprécient avant tout. Il faut se lever tôt pour accéder au Delphi où les chaînes sont longues. On se souvient de la vague du «cinéma djedid» en Algérie. Au Delphi, l'ancien directeur du Forum, Ulrich Grégor, a montré quasiment tous les films. Grégor a cédé la place à une nouvelle équipe au Forum, qui semble aujourd'hui s'intéresser à la nouvelle vague palestinienne. Après Michel Khleifi, Rachid Masharawi, Hani Abu Assad, Elia Suleiman, le programme affiche cette année le nouveau Lamma Shoftak (quand je t'ai vu), long métrage de fiction basé sur la vague d'émigration palestinienne en Jordanie, en 1967. La réalisatrice dit que son film est «un voyage dans l'esprit humain qui ne connaît pas de frontières». Pour l'anecdote, elle affirme aussi qu'elle est aidée et «protégée» par le grand cinéaste chinois Zhang Yimou ! Pour ne pas démentir le lien Forum/Algérie, le cinéaste algérien Mehdi Benattia est aussi dans le programme avec son film Je ne suis pas mort, long métrage, conte fantastique sur le thème de l'identité. Yacine, un brillant étudiant algérien en Sciences Po à Paris, est très attaché à son professeur de philosophie politique. Un jour, il apprend le décès de son maître. Il se produit alors une sorte d'énigme, de dédoublement. Yacine se met dans le costume de son professeur... Autre énigme sur le nom même du réalisateur, né en France : le programme du Forum écrit Benattia et l'attaché de presse indique un autre nom : Benassia ! A vérifier quand l'intéressé arrivera à Berlin.