C'est le temps de la célébration des valeurs humaines, de la réconciliation et de la transmission de l'histoire à la nouvelle génération. Un temps de grisaille et un froid glacial règnent sur la ville de Batna ce samedi tandis que, plus loin, dans la commune de Menâa, à 80 km plus au sud, où l'on célèbre Thafsouth (la fête du printemps), le ciel est solidaire de la liesse collective qui gagne tous les habitants. Un soleil doux caresse les visages rayonnant de sourires ; des bras grands ouverts accueillent les visiteurs. A peine arrivés sur les lieux, des membres de l'association culturelle du patrimoine, organisatrice de l'évènement, vous abordent et se mettent à notre disposition avant même que vous décliniez votre profil. Tout le monde était le bienvenu, sans distinction aucune. La célébration de cette fête a débuté dès la première heure de la journée. Plus de 5 000 personnes, sur les 13 000 que compte cette commune, se sont rassemblées devant la mosquée du Cheikh, et ont marché vers le stade communal pour assister aux jeux traditionnels, pratiqués depuis longtemps, aussi loin que la mémoire amazighe ne s'en souvienne. Il s'agit de «Thakourth», sorte de cricket moderne qui se joue avec des battes faites à base de tronc de palmier. Avant le coup d'envoi, une femme, qui travaille, nonobstant ses 86 printemps, toujours la terre, se tenait au centre du stade tenant dans ses mains une poignée de genièvre, signe de l'arrivée du printemps. A la fin du match, les spectateurs, et avec eux, l'ambiance joyeuse, se sont dispersés à travers toute la ville. Akliâth, l'ancienne cité, arborant les couleurs vives du printemps par ses innombrables tapis sur les toits, était envahie par des centaines de visiteurs. Ce véritable dédale de ruelles, où fusionnent les anciennes constructions avec les nouvelles, grouillait d'étalages d'outils, de vêtements et de nourritures. Ahmed Bouslith, un membre de l'association, raconte que selon les traditions locales, Thafsouth est l'occasion pour la célébration des valeurs humaines, de la réconciliation, mais aussi de la transmission de l'histoire à la nouvelle génération. «A travers cet évènement, nous visons à éveiller et réveiller, chez le jeunes et moins jeunes, le sens vrai du patrimoine. C'est la deuxième année que nous fêtons l'arrivée du printemps. La décennie noire a fait beaucoup de dégâts dans notre région et nous nous en sommes abstenus». La mi-journée arrivée, c'est le temps du grand banquet. Toutes les femmes du village ont participé à la préparation du plat qui convient à l'occasion : la «Tchekhtchoukha», un plat fait avec de la galette ; il a été abondement servi à la cantine de l'école, tout le monde y avait droit. La dernière station pour le visiteur est l'oued Tserkhift. Situé à la périphérie nord du village, cet oued qui serpente en se faufilant entre les montagnes rocheuses de Tfilzi (actuellement Menâa), est à lui seul une attraction touristique de premier ordre. La légende voudrait qu'il soit alimenté par 99 sources d'eau tout le long de son parcours. Son eau est tiède en hiver et fraîche en été. Du haut de la falaise par laquelle on y accède, on est subjugué par la beauté vierge et intemporelle de l'eau chutant en cascade. Les Romains l'ont drainée jusqu'à la cité de Timgad, et ont extrait les pierres nécessaires aux constructions de ces mêmes montagnes rocailleuses qui jouxtent l'oued. Ce village, où Ahmed Bey et ses deux fils fuyant la soldatesque française, ont trouvé refuge, recèle de beaucoup de pages d'histoire et un riche patrimoine encore insoupçonnés. Aux responsables en charge de le mettre à jour, et aux visiteurs de s'émerveiller !