Cinquante ans après l'indépendance de l'Algérie, quels droits pour les femmes ? Quels acquis ? On pourrait se gargariser des progrès – indéniables – en matière de scolarisation des filles, de nombre croissant de diplômées de l'enseignement supérieur, de femmes occupant des emplois hautement qualifiés, il reste que les Algériennes, qui ont nourri l'espérance que l'indépendance conquise de haute lutte et avec leurs sacrifices et leur engagement allait consacrer leurs droits et les hisser au rang de citoyennes, ont dû déchanter très vite. Sans pour autant baisser les bras. Le code de la famille, promulgué en juin 1984, a constitué une entorse significative au principe de l'égalité entre les hommes et les femmes, promise dès le début de la lutte de Libération nationale et inscrite dans la Constitution. Les quelques réformes apportées en 2005 par ordonnance présidentielle sont loin d'être suffisantes. En effet, le 27 février 2005, la contestation suivie des femmes a poussé le chef de l'Etat à opérer des amendements par ordonnance et, par la même occasion, à modifier le code de la nationalité en donnant la possibilité à l'épouse d'étendre sa nationalité à ses enfants et à son époux. L'abolition de la polygamie, la suppression du tutorat pour les femmes majeures, l'égalité face au divorce, aux droits parentaux, à l'héritage – en un mot l'abrogation du code de la famille – restent des revendications constantes des militantes des droits des femmes depuis près de trente ans. Autre combat des féministes et de la société civile : le harcèlement sexuel est enfin reconnu comme un délit intégré au droit pénal, ce qui constitue une avancée, mais limitée dans la mesure où l'article 240 du code pénal ne permet pas à une victime de violence de déposer plainte. Quant aux femmes dans les institutions élues, des quotas viennent enfin de leur être consentis. 145 femmes ont ainsi été élues aux dernières élections législatives. Elles représentent désormais 31,39% contre 7% dans la Chambre sortante. Ce progrès ne doit pas être un trompe-l'œil dans la mesure où la présence des femmes doit être effective et conséquente dans toutes les fonctions exécutives et à tous les échelons des institutions élues. L'engagement des Algériennes, d'abord dans la lutte pour l'indépendance nationale, puis contre le terrorisme et, depuis l'indépendance, pour une société de progrès et de justice sociale, est un cas d'école dans ses acquis et ses lettres de noblesse, mais aussi dans ses ratés. Aussi, au-delà de l'Algérie, dans l'ensemble des pays arabes, une véritable révolution contre les mentalités rétrogrades s'impose. Et ce, dans la mesure où les quelques lois en faveur de leur émancipation, prises dans l'un ou l'autre pays, n'ont pas pour autant éradiqué les discriminations dont elles sont l'objet. Les femmes arabes gagneraient à unir leurs forces pour que leur combat – commun – pour l'égalité des droits et la citoyenneté prenne la forme d'une insurrection pacifique et démocratique contre l'obscurantisme, l'arbitraire, le machisme et les relents de patriarcat. Il signerait alors la réalisation d'un rassemblement féministe arabe républicain et laïc, allié des forces sociales qui œuvrent à la construction d'Etats démocratiques. On pourrait alors parler de Printemps arabe. De printemps des femmes. L'espoir est permis dans la mesure où les jeunes générations en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Egypte, au Yémen ou à Bahreïn, voire en Arabie Saoudite, ont pris le relais de leurs mères et grands-mères.